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il pourrait s’ensuivre une inondation et une augmentation de la Méditerranée ; nous ajouterons à ce que nous avons dit que, quand même on ne voudrait pas convenir que la mer Rouge fût plus élevée que la Méditerranée, on ne pourra pas nier qu’il n’y ait aucun flux et reflux dans cette partie de la Méditerranée voisine des bouches de Nil, et qu’au contraire il y a dans la mer Rouge un flux et reflux très considérable et qui élève les eaux de plusieurs pieds, ce qui seul suffirait pour faire passer une grande quantité d’eau dans la Méditerranée, si l’isthme était rompu. D’ailleurs nous avons un exemple cité à ce sujet par Varenius, qui prouve que les mers ne sont pas également élevées dans toutes leurs parties ; voici ce qu’il en dit page 100 de sa Géographie : Oceanus Germanicus, qui est Atlantici pars, inter Frisiam et Hollandiam se effundens, efficit sinum qui, etsi parvus sit respectu celebrium sinuum maris, tamen et ipse dicitur mare, alluitque Hollandise emporium celeberrimum, Amstellodamum. Non procul indè abest lacus Harlemensis, qui etiam mare Harlemense dicitur. Hujus altitudo non est minor altitudine sinùs illius Belgici, quem diximus, et mittit ramum ad urbem Leidam, ubi in varias fossas divaricatur. Quoniam itaque nec lacus hic, neque sinus ille. Hollandici maris inundant adjacentes agros (de naturali constitutione loquor, non ubi tempestatibus urgentur, propter quas aggeres facti sunt) patet indè quod non sint altiores quàm agri Hollandiæ. At vero Oceanum Germanicum esse altiorem quàm terras hasce experti sunt Leidenses, cum suscepissent fossam seu alveum ex urbe sua ad Oceani Germanici littora, prope Cattarum vicum perducere (distantia est duorum milliarium) ut, recepto par alveum hune mari, possent navigationem instituere in Oceanum Germanicum, et hinc in varias terræ regiones. Verum enimvero cùm magnam jam alvei partem perfecissent, desistere coacti sunt, quoniam tum demum per observaitonem cognitum est Oceani Germanici aquam esse altiorem quàm agrum inter Leidam et littus Oceani illius ; undè locus ille, ubi fodere desierunt, dicitur Het malle Gat. Oceanus itaque Germanicus est aliquantùm altior quam sinus ille Hollandicus, etc. Ainsi, on peut croire que la mer Rouge est plus haute que la Méditerranée, comme la mer d’Allemagne est plus haute que la mer de Hollande. Quelques anciens auteurs, comme Hérodote et Diodore de Sicile, parlent d’un canal de communication du Nil et de la Méditerranée avec la mer Rouge, et en dernier lieu M. Delisle a donné une carte en 1704, dans laquelle il a marqué un bout de canal qui sort du bras le plus oriental du Nil et qu’il juge devoir être une partie de celui qui faisait autrefois cette communication du Nil avec la mer Rouge (Voyez les Mém. de l’Acad. des Sc., an. 1704.) Dans la troisième partie du livre qui a pour titre, Connaissance de l’ancien monde, imprimé en 1707, on trouve le même sentiment, et il y est dit, d’après Diodore de Sicile, que ce fut Néco, roi d’Égypte, qui commença ce canal, que Darius, roi de Perse, le continua, et que Ptolémée II l’acheva et le conduisit jusqu’à la ville d’Arsinoé ; qu’il le faisait ouvrir et fermer selon qu’il en avait besoin. Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je suis obligé d’avouer qu’ils me paraissent douteux, et je ne sais pas si la violence et la hauteur des marées dans la mer Rouge ne se seraient pas nécessairement communiquées aux eaux de ce canal ; il me semble qu’au moins il aurait fallu de grandes précautions pour contenir les eaux, éviter les inondations, et beaucoup de soin pour entretenir ce canal en bon état : aussi les historiens qui nous disent que ce canal a été entrepris et achevé ne nous disent pas s’il a duré, et les vestiges qu’on prétend en reconnaître aujourd’hui sont peut-être tout ce qui en a jamais été fait. On a donné à ce bras de l’océan le nom de mer Rouge, parce qu’elle a en effet cette couleur dans tous les endroits où il se trouve des madrépores sur son fond : voici ce qui est rapporté dans l’Histoire générale des Voyages, tome Ier, pages 198 et 199. « Avant que de quitter la mer Rouge Dom Jean examina quelles peuvent avoir été les raisons qui ont fait donner ce nom au golfe Arabique par les anciens, et si cette mer est en effet différente des autres par la couleur ; il observa que Pline rapporte plusieurs sentiments sur l’origine de ce nom ; les uns le font venir d’un roi nommé Érythros qui régna dans ces cantons, et dont