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fourniraient à la mer 21 372 626 milles cubiques d’eau, c’est-à-dire autant qu’il y en a dans l’océan, et que par conséquent il ne faudrait que 812 ans pour le remplir. (Voyez J. Keill, Examinat. of Burnet’s Theory. London, 1734, p. 126 et suiv.)

Il résulte de ce calcul que la quantité d’eau que l’évaporation enlève de la surface de la mer, que les vents transportent sur la terre, et qui produit tous les ruisseaux et tous les fleuves, est d’environ 245 lignes, ou de 20 à 21 pouces par an, ou d’environ les deux tiers d’une ligne par jour ; ceci est une très petite évaporation, quand même on la doublerait ou triplerait, afin de tenir compte de l’eau qui retombe sur la mer et qui n’est pas transportée sur la terre. (Voyez, sur ce sujet, l’écrit de Halley dans les Trans. philos., no 192, où il fait voir évidemment et par le calcul que les vapeurs qui s’élèvent au-dessus de la mer et que les vents transportent sur la terre sont suffisantes pour former toutes les rivières et entretenir toutes les eaux qui sont à la surface de la terre.)

Après le Nil, le Jourdain est le fleuve le plus considérable qui soit dans le Levant, et même dans la Barbarie ; il fournit à la mer Morte environ six millions de tonnes d’eau par jour : toute cette eau, et au delà, est enlevée par l’évaporation ; car, en comptant, suivant le calcul de Halley, 6 914 tonnes d’eau qui se réduit en vapeurs sur chaque mille superficiel, on trouve que la mer Morte, qui a 72 milles de long sur 18 milles de large, doit perdre tous les jours par l’évaporation près de neuf millions de tonnes d’eau, c’est-à-dire non seulement toute l’eau qu’elle reçoit du Jourdain, mais encore celle des petites rivières qui y arrivent des montagnes de Moab et d’ailleurs ; par conséquent, elle ne communique avec aucune autre mer par des canaux souterrains. (Voyez les Voyages de Shaw, vol. II, p. 71.)

Les fleuves les plus rapides de tous sont le Tigre, l’Indus, le Danube, l’Yrtisch en Sibérie, le Malmistra en Cilicie, etc. (Voyez Varenii Geograph., p. 178) ; mais, comme nous l’avons dit au commencement de cet article, la mesure de la vitesse des eaux d’un fleuve dépend de deux causes : la première est la pente, et la seconde le poids et la quantité d’eau ; en examinant sur le globe quels sont les fleuves qui ont le plus de pente, on trouvera que le Danube en a beaucoup moins que le Pô, le Rhin et le Rhône, puisque, tirant quelques-unes de ses sources des mêmes montagnes, le Danube a un cours beaucoup plus long qu’aucun de ces trois autres fleuves, et qu’il tombe dans la mer Noire, qui est plus élevée que la Méditerranée, et peut-être plus que l’Océan.

Tous les grands fleuves reçoivent beaucoup d’autres rivières dans toute l’étendue de leur cours : on a compté, par exemple, que le Danube reçoit plus de deux cents, tant ruisseaux que rivières ; mais, en ne comptant que les rivières assez considérables que les fleuves reçoivent, on trouvera que le Danube en reçoit trente ou trente et une, le Volga en reçoit trente-deux ou trente-trois, le Don cinq ou six, le Niéper dix-neuf ou vingt, la Duine onze ou douze ; et de même, en Asie, le Hoanho reçoit trente-quatre ou trente-cinq rivières, le Jénisca en reçoit plus de soixante, l’Oby tout autant, le fleuve Amour environ quarante, le Kian ou fleuve de Nankin en reçoit environ trente, le Gange plus de vingt, l’Euphrate dix ou onze, etc. En Afrique, le Sénégal reçoit plus de vingt rivières ; le Nil ne reçoit aucune rivière qu’à plus de cinq cents lieues de son embouchure ; la dernière qui y tombe est le Moraba, et de cet endroit jusqu’à sa source il reçoit environ douze ou treize rivières ; en Amérique, le fleuve des Amazones en reçoit plus de soixante, et toutes fort considérables ; le fleuve Saint-Laurent environ quarante, en comptant celles qui tombent dans les lacs ; le fleuve Mississipi plus de quarante, le fleuve de la Plata plus de cinquante, etc.

Il y a sur la surface de la terre des contrées élevées qui paraissent être des points de partage marqués par la nature pour la distribution des eaux. Les environs du mont Saint-Gothard sont un de ces points en Europe ; un autre point est le pays situé entre les provinces de Belozera et de Vologda en Moscovie, d’où descendent des rivières dont les