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quels on ne peut pas douter après avoir examiné les preuves qui les constatent : le premier est, que la terre est partout, et jusqu’à des profondeurs considérables, composée de couches parallèles et de matières qui ont été autrefois dans un état de mollesse ; le second, que la mer a couvert pendant quelque temps la terre que nous habitons ; le troisième, que les marées et les autres mouvements des eaux produisent des inégalités dans le fond de la mer ; et le quatrième, que ce sont les courants de la mer qui ont donné aux montagnes la forme de leurs contours et la direction correspondante dont il est question.

On jugera, après avoir lu les preuves que contiennent les articles suivants, si j’ai eu tort d’assurer que ces faits, solidement établis, établissent aussi la vraie théorie de la terre. Ce que j’ai dit dans le texte, au sujet de la formation des montagnes, n’a pas besoin d’une plus ample explication ; mais, comme on pourrait m’objecter que je ne rends pas raison de la formation des pics ou pointes de montagnes, non plus que de quelques autres faits particuliers, j’ai cru devoir ajouter ici les observations et les réflexions que j’ai faites sur ce sujet.

J’ai tâché de me faire une idée nette et générale de la manière dont sont arrangées les différentes matières qui composent le globe, et il m’a paru qu’on pouvait les considérer d’un manière différente de celle dont on les a vues jusqu’ici ; j’en fais deux classes générales auxquelles je les réduis toutes : la première est celle des matières que nous trouvons posées par couches, par lits, par bancs horizontaux ou régulièrement inclinés ; et la seconde comprend toutes les matières qu’on trouve par amas, par filons, par veines perpendiculaires et irrégulièrement inclinées. Dans la première classe sont compris les sables, les argiles, les granits ou le roc vif, les cailloux et les grès en grande masse, les charbons de terre, les ardoises, les schistes, etc., et aussi les marnes, les craies, les pierres calcinables, les marbres, etc. Dans la seconde, je mets les métaux, les minéraux, les cristaux, les pierres fines et les cailloux en petites masses ; ces deux classes comprennent généralement toutes les matières que nous connaissons : les premières doivent leur origine aux sédiments transportés et déposés par les eaux de la mer, et on doit distinguer celles qui, étant mises à l’épreuve du feu, se calcinent et se réduisent en chaux, de celles qui se fondent et se réduisent en verre ; pour les secondes, elles se réduisent toutes en verre, à l’exception de celles que le feu consume entièrement par l’inflammation.

Dans la première classe, nous distinguerons d’abord deux espèces de sable : l’une que je regarde comme la matière la plus abondante du globe, qui est vitrifiable, ou plutôt qui n’est qu’un composé de fragments de verre ; l’autre, dont la quantité est beaucoup moindre, qui est calcinable et qu’on doit regarder comme du débris ou de la poussière de pierre, et qui ne diffère du gravier que par la grosseur des grains. Le sable vitrifiable est, en général, posé par couches comme toutes les autres matières ; mais ces couches sont souvent interrompues par des masses de rochers de grès, de roc vif, de caillou, et quelquefois ces matières font aussi des bancs et des lits d’une grande étendue.

En examinant ce sable et ces matières vitrifiables, on n’y trouve que peu de coquilles de mer, et celles qu’on y trouve ne sont pas placées par lits : elles n’y sont que parsemées et comme jetées au hasard ; par exemple, je n’en ai jamais vu dans les grès ; cette pierre, qui est fort abondante en certains endroits, n’est qu’un composé de parties sablonneuses qui sont réunies ; on ne la trouve que dans les pays où le sable vitrifiable domine, et ordinairement les carrières de grès sont dans des collines pointues, dans des terres sablonneuses et dans des éminences entrecoupées ; on peut attaquer ces carrières dans tous les sens, et, s’il y a des lits, ils sont beaucoup plus éloignés les uns des autres que dans les carrières de pierres calcinables, ou de marbres ; on coupe dans le massif de la carrière de grès des blocs de toutes sortes de dimensions et dans tous les sens, selon le besoin et la