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traversée dans toute sa longueur par l’Apennin, de la presqu’île de Corée, de celle de Malaye, etc.

Les montagnes, comme l’on voit, diffèrent beaucoup en hauteur : les collines sont les plus basses de toutes, ensuite viennent les montagnes médiocrement élevées, qui sont suivies d’un troisième rang de montagnes encore plus hautes, lesquelles, comme les précédentes, sont ordinairement chargées d’arbres et de plantes, mais qui, ni les unes ni les autres, ne fournissent aucune source, excepté au bas ; enfin les plus hautes de toutes les montagnes sont celles sur lesquelles on ne trouve que du sable, des pierres, des cailloux et des rochers dont les pointes s’élèvent souvent jusqu’au-dessus des nues ; c’est précisément au pied de ces rochers qu’il y a de petits espaces, de petites plaines, des enfoncements, des espèces de vallons où l’eau de la pluie, la neige et la glace s’arrêtent, et où elles forment des étangs, des marais, des fontaines d’où les fleuves tirent leur origine. (Voyez Lett. phil. sur la form. des sels, etc., page 198.)

La forme des montagnes est aussi fort différente : les unes forment des chaînes dont la hauteur est assez égale dans une très longue étendue de terrain ; d’autres sont coupées par des vallons très profonds ; les unes ont des contours assez réguliers, d’autres paraissent au premier coup d’œil irrégulières, autant qu’il est possible de l’être ; quelquefois on trouve au milieu d’un vallon ou d’une plaine un monticule isolé ; et, de même qu’il y a des montagnes de différentes espèces, il y a aussi de deux sortes de plaines, les unes en pays bas, les autres en montagne : les premières sont ordinairement partagées par le cours de quelque grosse rivière ; les autres, quoique d’une étendue considérable, sont sèches, et n’ont tout au plus que quelque petit ruisseau. Ces plaines en montagnes sont souvent fort élevées, et toujours de difficile accès, elles forment des pays au-dessus des autres pays, comme en Auvergne, en Savoie et dans plusieurs autres pays élevés ; le terrain en est ferme et produit beaucoup d’herbes et de plantes odoriférantes, ce qui rend ces dessus de montagnes les meilleurs pâturages du monde.

Le sommet des hautes montagnes est composé de rochers plus ou moins élevés, qui ressemblent, surtout vus de loin, aux ondes de la mer. (Voyez Lett. phil. sur la form. des sels, page 196.) Ce n’est pas sur cette observation seule que l’on pourrait assurer, comme nous l’avons fait, que les montagnes ont été formées par les ondes de la mer, et je ne la rapporte que parce qu’elle s’accorde avec toutes les autres ; ce qui prouve évidemment que la mer a couvert et formé les montagnes, ce sont les coquilles et les autres productions marines qu’on trouve partout en si grande quantité, qu’il n’est pas possible qu’elles aient été transportées de la mer actuelle dans des continents aussi éloignés et à des profondeurs aussi considérables : ce qui le prouve, ce sont les couches horizontales et parallèles qu’on trouve partout, et qui ne peuvent avoir été formées que par les eaux ; c’est la composition des matières, même les plus dures, comme de la pierre et du marbre, à laquelle on reconnaît clairement que les matières étaient réduites en poussière avant la formation de ces pierres et de ces marbres, et qu’elles se sont précipitées au fond de l’eau en forme de sédiment ; c’est encore l’exactitude avec laquelle les coquilles sont moulées dans ces matières, c’est l’intérieur de ces mêmes coquilles, qui est absolument rempli des matières dans lesquelles elles sont renfermées ; et enfin ce qui le démontre incontestablement, ce sont les angles correspondants des montagnes et des collines qu’aucune autre cause que les courants de la mer n’aurait pu former ; c’est l’égalité de la hauteur des collines opposées et les lits des différentes matières qu’on y trouve à la même hauteur ; c’est la direction des montagnes, dont les chaînes s’étendent en longueur dans le même sens, comme l’on voit s’étendre les ondes de la mer.

À l’égard des profondeurs qui sont à la surface de la terre, les plus grandes sont, sans contredit, les profondeurs de la mer ; mais, comme elles ne se présentent point à l’œil, et qu’on n’en peut juger que par la sonde, nous n’entendons parler ici que des pro-