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d’étonnement dans son second voyage au nouveau monde ; car, comme la première fois il n’avait trouvé que des îles, il dirigea sa route plus au midi pour tâcher de découvrir une terre ferme, et il fut arrêté par les courants, dont l’étendue considérable et la direction toujours opposée à sa route, l’obligèrent à retourner pour chercher terre à l’occident ; il s’imaginait que ce qui l’avait empêché d’avancer du côté du midi n’était pas des courants, mais que la mer allait en s’élevant vers le ciel, et que peut-être l’un et l’autre se touchaient du côté du midi : tant il est vrai que, dans les trop grandes entreprises, la plus petite circonstance malheureuse peut tourner la tête et abattre le courage.





ARTICLE VII

SUR LA PRODUCTION DES COUCHES OU LITS DE TERRE.



Nous avons fait voir, dans l’article premier, qu’en vertu de l’attraction démontrée mutuelle entre les parties de la matière, et en vertu de la force centrifuge qui résulte du mouvement de rotation sur son axe, la terre a nécessairement pris la forme d’un sphéroïde dont les diamètres diffèrent d’une 230e partie ; et que ce ne peut être que par les changements arrivés à la surface et causés par les mouvements de l’air et des eaux, que cette différence a pu devenir plus grande, comme on prétend le conclure par les mesures prises à l’équateur et au cercle polaire. Cette figure de la terre, qui s’accorde si bien avec les lois de l’hydrostatique et avec notre théorie, suppose que le globe a été dans un état de liquéfaction dans le temps qu’il a pris sa forme, et nous avons prouvé que le mouvement de projection et celui de rotation ont été imprimés en même temps par une même impulsion. On se persuadera facilement que la terre a été dans un état de liquéfaction produite par le feu, lorsqu’on fera attention à la nature des matières que renferme le globe, dont la plus grande partie, comme les sables et les glaises, sont des matières vitrifiées ou vitrifiables, et lorsque, d’un autre côté, on réfléchira sur l’impossibilité qu’il y a que la terre ait jamais pu se trouver dans un état de fluidité produite par les eaux, puisqu’il y a infiniment plus de terre que d’eau, et que d’ailleurs l’eau n’a pas la puissance de dissoudre les sables, les pierres et les autres matières dont la terre est composée.

Je vois donc que la terre n’a pu prendre sa figure que dans le temps où elle a été liquéfiée par le feu, et, en suivant notre hypothèse, je conçois qu’au sortir du soleil la terre n’avait d’autre forme que celle d’un torrent de matières fondues et de vapeurs enflammées, que ce torrent se rassembla par l’attraction mutuelle des parties, et devint un globe auquel le mouvement de rotation donna la figure d’une sphéroïde, et lorsque la terre fut refroidie les vapeurs qui s’étaient d’abord étendues, comme nous voyons s’étendre les queues des comètes, se condensèrent peu à peu, tombèrent en eau sur la surface du globe, et déposèrent en même temps un limon mêlé de matières sulfureuses et salines dont une partie s’est glissée par le mouvement des eaux dans les fentes perpendiculaires où elle a produit les métaux et les minéraux, et le reste est demeuré à la surface de la terre et a produit cette terre rougeâtre qui forme la première couche de la terre et qui, suivant les différents lieux, est plus ou moins mêlée de particules animales ou végétales réduites en petites molécules dans lesquelles l’organisation n’est plus sensible.

Ainsi, dans le premier état de la terre, le globe était, à l’intérieur, composé d’une matière vitrifiée, comme je crois qu’il l’est encore aujourd’hui ; au-dessus de cette matière