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dont la plus grande longueur doit être prise depuis l’embouchure du fleuve de la Plata jusqu’à cette contrée marécageuse qui s’étend au delà du lac des Assiniboïls ; cette route va de l’embouchure du fleuve de la Plata au lac Caracares, de là elle passe chez les Mataguais, chez les Chiriguanes, ensuite à Pocona, à Zongo, de Zongo chez les Zamas, les Marianas, les Moruas, de là à Santa-Fé et à Carthagène, puis par le golfe du Mexique à la Jamaïque, à Cuba, tout le long de la péninsule de la Floride, chez les Apalaches, les Chicachas, de là au fort Saint-Louis ou Crève-Cœur, au fort Le Sueur, et enfin chez les peuples qui habitent au delà du lac des Assiniboïls, où l’étendue des terres n’a pas encore été reconnue. (Voyez la seconde carte de Géographie.)

Cette ligne, qui n’est interrompue que par le golfe du Mexique, qu’on doit regarder comme une mer méditerranée, peut avoir environ deux mille cinq cents lieues de longueur, et elle partage le nouveau continent en deux parties égales, dont celle qui est à gauche a 1 069 286 5/6 lieues carrées de surface, et celle qui est à droite en a 1 070 926 1/12 ; cette ligne, qui fait le milieu de la bande du nouveau continent, est aussi inclinée à l’équateur d’environ 30 degrés, mais en sens opposé, en sorte que celle de l’ancien continent s’étendant du nord-est au sud-ouest, celle du nouveau s’étend du nord-ouest au sud-est ; et toutes ces terres ensemble, tant de l’ancien que du nouveau continent, font environ 7 080 993 lieues carrées, ce qui n’est pas, à beaucoup près, le tiers de la surface totale du globe qui en contient vingt-cinq millions.

On doit remarquer que ces deux lignes qui traversent les continents dans leurs plus grandes longueurs, et qui les partagent chacun en deux parties égales, aboutissent toutes les deux au même degré de latitude septentrionale et australe. On peut aussi observer que les deux continents font des avances opposées et qui se regardent, savoir, les côtes de l’Afrique depuis les îles Canaries jusqu’aux côtes de la Guinée, et celles de l’Amérique depuis la Guyane jusqu’à l’embouchure de Rio-Janeiro.

Il paraît donc que les terres les plus anciennes du globe sont les pays qui sont aux deux côtés de ces lignes à une distance médiocre, par exemple à 200 ou à 250 lieues de chaque côté ; et, en suivant cette idée qui est fondée sur les observations que nous venons de rapporter, nous trouverons dans l’ancien continent que les terres les plus anciennes de l’Afrique sont celles qui s’étendent depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’à la mer Rouge et jusqu’à l’Egypte, sur une largeur d’environ 500 lieues, et que par conséquent toutes les côtes occidentales de l’Afrique, depuis la Guinée jusqu’au détroit de Gibraltar, sont des terres plus nouvelles. De même nous reconnaîtrons qu’en Asie, si on suit la ligne sur la même largeur, les terres les plus anciennes sont l’Arabie Heureuse et Déserte, la Perse et la Géorgie, le Turcomanie et une partie de la Tartarie indépendante, la Circassie et une partie de la Moscovie, etc., que par conséquent l’Europe est plus nouvelle, et peut-être aussi la Chine et la partie orientale de la Tartarie ; dans le nouveau continent, nous trouverons que la terre Magellanique, la partie orientale du Brésil, du pays des Amazones, de la Guyane et du Canada sont des pays nouveaux en comparaison du Tucuman, du Pérou, de la terre ferme et des îles du golfe du Mexique, de la Floride, du Mississipi et du Mexique. On peut encore ajouter à ces observations deux faits qui sont assez remarquables ; le vieux et le nouveau continent sont presque opposés l’un à l’autre ; l’ancien est plus étendu au nord de l’équateur qu’au sud, au contraire le nouveau l’est plus au sud qu’au nord de l’équateur ; le centre de l’ancien continent est à 16 ou 18 degrés de latitude nord, et le centre du nouveau est à 16 ou 18 degrés de latitude sud, en sorte qu’ils semblent faits pour se contre-balancer. Il y a encore un rapport singulier entre les deux continents, quoiqu’il me paraisse plus accidentel que ceux dont je viens de parler ; c’est que les deux continents seraient chacun partagés en deux parties qui seraient toutes quatre environnées de la mer de tous côtés sans deux petits isthmes, celui de Suez et celui de Panama.