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les religions, n’ayant aperçu que motifs de désespérer de Dieu, l’auteur des Poèmes antiques, des Poèmes barbares et des Poèmes tragiques est allé d’abord au fond de la doctrine. Rien de moins romantique : il en faut bien convenir. Le romantisme, c’est l’espérance, la chimère ou l’hippogriffe qu’on chevauche à travers l’impossible ; c’est la croyance aussi, les raisons du cœur qu’on oppose victorieusement « aux raisons de sa raison ». Et sans doute, c’est une forme de la poésie, mais le Dies Iræ que nous citions à l’instant même est une preuve qu’il en existe une autre. Elle n’est pas moins haute ni moins noble, pour avoir observé jusque dans la négation cette sérénité qui fait peut-être partie de la définition de l’art ; et pour être moins « sentimentale » elle n’en est pas cependant plus « impassible ».

Il ne faut pas confondre, en eflfet, deux choses très différentes, qui sont la facilité toute naturelle que nous avons à nous plaindre éloquemment de nos maux, et au contraire la difficulté que nous éprouvons à comprendre ceux des autres. Je ne reviens pas ici sur l’Illusion suprême et sur le Manchy, mais évidemment le poète qui a écrit la Fontaine aux Lianes :


Jeune homme qui choisis pour ta couche azurée
La fontaine des bois aux flots silencieux
De quelles passions ta jeunesse agitée
Vint-elle ici chercher le repos dans la mort

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Pourquoi jusqu’au tombeau cette tristesse amère,
Ce cœur s’est-il brisé pour avoir trop aimé ?