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Salut, Vierge aux beaux yeux, rayonnante de gloire,
Plus blanche que le cygne et que le pur ivoire,
Qui sur ton cou d’albâtre enroules tes cheveux !
Reçois, belle Ganga, l’offrande de mes vœux.
Mon malheur est plus fort que ta pitié charmante,
Ô Déesse ! Le doute infini me tourmente ;
Pareil au voyageur dans les bois égaré.
Mon cœur dans la nuit sombre erre désespéré,
Ô Vierge ! qui dira ce que je veux connaître !
L’origine, et la fin, et les formes de l’être ?


On ne pouvait manquer là-dessus de l’accuser d’impiété, — et en effet on n’y a point manqué. Si l’impiété consiste, pour les croyants d’une religion quelconque, à ne pas excepter cette religion du nombre infini des autres, et, tout en la traitant d’ailleurs avec respect, à ne la vouloir juger que sur son rôle historique, nul ne fut assurément plus impie que l’auteur du Dies Iræ qui termine les Poèmes antiques :


Soupirs majestueux des ondes apaisées,
Murmurez plus profonds en nos cœurs soucieux !
Répandez, ô forêts, vos urnes de rosées.
Ruisselle en nous, silence étincelant des cieux.

Consolez-nous enfin des espérances vaines,
La route infructueuse a blessé nos pieds nus ;
Du sommet des grands caps, loin des rumeurs humaines,
Ô vents ! emportez-nous vers des Dieux inconnus.

Mais si rien ne répond dans l’immense étendue,
Que le stérile écho de l’éternel Désir !
Adieu ! déserts où l’âme ouvre une aile éperdue,
Adieu, songe sublime impossible à saisir !

Et toi, divine Mort où tout rentre et s’efface,
Accueille tes enfants dans ton sein étoilé,
Affranchis-nous du temps, du nombre et de l’espace,
Et rends-nous le repos que la vie a troublé.