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s’est trouvé conduit à ne leur rien faire exprimer que d’ « objectif » ou d’impersonnel comme elles, « et dans ses Poèmes barbares, à réaliser d’une manière inattendue, par l’alliance de la science et de la poésie, un idéal plus contemporain, si l’on peut ainsi dire, que celui des plus déterminés partisans de la « modernité dans l’art ». Essayons de le préciser et d’en faire sentir la différence avec l’idéal romantique.

« Sur les monuments de Persépolis, a dit quelque part Ernest Henan, on voit les différentes nations tributaires du roi de Perse représentées par un personnage qui porte le costume de son pays et tient entre ses mains les productions de sa province pour en faire hommage au souverain. Telle est l’humanité : chaque nation, chaque formeintellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle une courte expressionqui en est comme le type abrégé, et qui demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais oubliés, qui ont vécu et qui sont morts groupés autour d’elle. » C’est d’abord cette représenlation, ce « type abrégé » de la race que Leconte de Lisle a essayé d’immortaliser dans ses vers, — dans Qaïn, dans la Vigne de Naboth, dans Néférou-Ra, dans la Vérandah, dans la Mort de Valmiki, dans l’Épée d’Angantyr, — et tant d’autres poèmes qui diffèrent des poèmes en apparence analogues de la Légende des siècles exactement dans la mesure où la vérité de l’érudition diffère du caprice de l’imagination.