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la représentation de ce qu’il appelait « le caractère ». Il eût été plus franc de dire l’expression de la laideur. De tous les héros de l’épopée d’Homère Hugo n’a jamais aimé que Thersite, l’Ursus ou le Quasimodo de la guerre de Troie ; et du théâtre grec je doute qu’il ait compris autre chose que les basses plaisanteries des Grenouilles ! Mais la beauté, qui n’était qu’un mot pour les romantiques, et un mot qu’ils ne comprenaient pas, était une réalité pour l’auteur des Poèmes antiques. Elle était même la seule réalité. Si le modèle idéal n’en existait peut-être nulle part, l’honneur de l’art était de l’avoir inventé. Quelque chose en avait passé dans le Parlhénon ou dans la Vénus de Milo, quelque chose dans ces légendes qui le consolaient seules du spectacle de la laideur ou de la médiocrité contemporaines. Une idylle de Théocrite, ou une odelette même du faux Anacréon, lui paraissaient aussi supérieures, pour la justesse du sentiment, pour la perfection de l’exécution, pour la profondeur de l’émotion esthétique, aux Nuits de Musset, par exemple, ou aux Orientales d’Hugo, qu’un marbre de l’école, — déjà corrompue cependant — de Pergame, que le Taureau Farnèse ou le Laocoon, qu’une Vénus de Praxitèle, à la sculpture déclamatoire de David d’Angers. Et je ne dis pas qu’il eût absolument raison ! Si je discutais ici ses idées, je lui reprocherais un peu d’injustice pour les romantiques, un peu de superstition aussi pour l’antiquité. Vingt siècles ne se sont pas écoulés depuis lors sans profit