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MADAME DE STAËL ET CHATEAUBRIAND.
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toutes les parties de l’ouvrage. Il me suffit qu’elle y soit, qu’elle ne pût pas manquer de frapper les esprits, et qu’elle fût d’ailleurs féconde en applications ultérieures.

Mais ce que je vous fais observer, c’est qu’aux considérations tirées de la race ou du tempérament national, il s’en ajoute par là de nouvelles encore, tirées des lois ou de la religion, qu’il faudra que la critique pèse, avant de conclure ou seulement de généraliser. La part de l’absolu diminue, celle du relatif augmente ; et, avec elle, conséquemment, la difficulté de formuler en critique. Ce qui revient à dire que le point de vue est déjà tout changé, que l’intérêt du jugement n’est plus dans le dispositif ou dans le jugement même ; qu’il est dans les considérants ; et que les considérants, qui n’étaient tirés que de la rhétorique ou de la logique, le seront maintenant d’ailleurs et de plus loin.

Nous reparlerons dans un instant du livre de l’Allemagne ; et nous achèverons de préciser la part de Mme de Staël dans le renouvellement de la critique. Mais si nous voulons suivre exactement l’ordre des faits, nous sommes bien obligés de la diviser. Rien de plus naturel ni de plus nécessaire. J’insiste sur ce point, parce que la plupart des historiens de la littérature — pour se donner à eux-mêmes des facilités de composition plus grandes, — non seulement, quand ils rencontrent un grand écrivain sur leur route, et eût-il, comme Voltaire, écrit soixante ans, ils l’expédient ; mais encore ils nous reprochent de le diviser, comme si son œuvre, mêlée à la vie et à l’œuvre de ses contemporains, n’en avait pas reçu