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HISTOIRE ET LITTÉRATURE

ou d’une composition enfin plus habile que celui de M. Lair sur Louise de La Vallière et la Jeunesse de Louis XIV. Rien ou presque rien d’inédit, ce qu’il en faut seulement pour ne pas démériter tout à fait du titre d’ancien élève de l’École des chartes ; mais une connaissance étendue, précise, nullement pédantesque avec cela, du sujet et surtout de ses alentours ; mais une adresse remarquable à manier les textes, à confronter les témoignages, à les solliciter doucement pour en tirer tout ce qu’ils contiennent ; mais un goût d’arrangement et de combinaison, un art enfin de construire le récit sans que l’intérêt romanesque en coûte rien à la vérité de l’histoire et sans que la rigueur d’une exacte chronologie y contrarie l’intérêt dramatique, tels sont les mérites, — assez rares, on en conviendra, — du livre de M. Lair. C’est dommage que le style, de place en place, puisse un peu prêter à la critique, ou du moins qu’il ne nous rende pas toujours les images qu’évoque dans l’esprit le nom lui seul de La Vallière. Si ce léger reproche était sensible à M. Lair, il pourra s’en consoler en se ressouvenant que Bossuet lui-même, prêchant pour la profession de sœur Louise de la Miséricorde, ne parut pas aussi divin que l’avait espéré son aristocratique auditoire : c’est le mot, on se le rappelle peut-être, de la marquise de Sévigné. N’est-on pas bien excusable, en vérité, de manquer à son tour quelques traits d’une physionomie qu’un si grand peintre n’aurait pas tout à fait attrapée ?