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DE PHILIPPE

née, semblait-il, lui était un commencement absolu, et il n’y eut jamais d’ordre ni de suite dans sa vie, que la suite des imprévus. Un amant faisait vivre sans doute cette petite veuve et ses deux enfants, et voilà qu’elle invitait Philippe à habiter chez elle. Philippe d’abord ne songea pas plus avant, non point que sa vanité de mâle pensât à se réjouir, mais parce que cela lui donnait un motif de laisser Dufort seul, un motif de lui faire sentir sa liberté et sa supériorité.

Avec l’esprit de l’escalier, dès qu’il quitta Claire, Philippe devina son jeu, il en fit un roman. Cette petite femme aguichante et qui ne parlait jamais sans emporter le morceau, si peu que ce fût, il la connaissait cependant depuis quelques années. Il avait pour plusieurs été l’ami de son mari que parfois il rencontrait à la taverne, pour venir chez lui passer d’interminables soirées à se lire des vers et leur belle prose : Lucien écrivait des essais et des odelettes. Alors, Claire en profitait pour les laisser seuls avec les enfants et aller briller ailleurs.

Quand son mari mourut, elle se montra piquée, lorsqu’elle aborda Philippe qui essayait de l’éviter, parce qu’il n’avait pas assisté aux funérailles, heureux comme toujours d’être débarrassé d’une habitude, elle se montra piquée plutôt de lui voir espacer ses visites :

— J’aime la littérature aussi, vous savez, et ce n’est pas parce que Lucien est mort que,