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LA FOLLE EXPÉRIENCE

constante de son père, et les comédies qu’il se jouait trop souvent avec lui-même l’agaçaient jusqu’à le faire grincer des dents, comme lorsqu’on gratte de son ongle la rouille d’un vieux fer. Mais pour une fois, cette musique lui agréait. Il passait pourtant tout de suite aux poèmes plus faciles.

Un gros meuble à tiroir encombré de bilans.
De vers, de billets doux, de procès, de romances…

Philippe regardait l’heure et se donnait encore du répit. Des larmes lui venaient, au souvenir de son été Baudelaire, le soleil sur le lac agrandi, surtout les soirs roses, lorsqu’au bout des terres, le train pleurard et romance étirait avec lui toutes les plaintes et les nuages de l’horizon violet.

Puis, saisi d’un remords, qui serra sa gorge, Philippe regagna son taxi :

— Très vite, je suis en retard… J’ai eu toutes les peines du monde à avoir la communication.

Revenu avec le docteur, dans la chambre, Philippe, excité par son alcool, se mit à discourir sur la congestion, avec des bribes de phrases scientifiques, jusqu’au moment que le docteur le toisa, indigné de cette comédie. Il regagna sa chambre, pour consulter le dictionnaire, honteux de son ignorance. Le rouge lui venait au front.

Il écoutait parler bas, des chuchotements d’hôpital. Il savait maintenant que son père mourrait. Il se versait verre sur verre, allu-