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LA FOLLE EXPÉRIENCE

but, dormit, et fut mis à la porte. Rien ne l’impressionna que la qualité de l’air, ce couvent étant niché dans la montagne, et le silence, le silence parfait de la nuit, un silence qu’on aurait pu couper, semblait-il.

Ce qu’il avait écrit, c’était des lettres à des prêtres, pour s’excuser et s’expliquer à l’avance, si on apprenait sa rechute. Le lendemain, à la taverne, décidant d’aller voir son ami Toupin, curieux homme qui vendait des montres et des bagues en buvant du vin et en lisant Bossuet et saint Jean de la Croix, il lui écrivit, avant de le voir, comme il faisait naguère avec sa maîtresse (les habitudes ne se soucient pas des personnes et leur survivent), une longue lettre sur les religieux qui manquent de charité. Pourtant, Philippe ne haïssait pas souvent, comme il n’aimait pas souvent : il buvait peut-être aussi, par impuissance à éprouver les sentiments de tout le monde.

En écrivant, Philippe regrettait le couvent qu’il venait de quitter, la montagne, le lac qui fait une échappée d’air vif au tournant de la route, et il entendait maintenant psalmodier les offices. Philippe n’avait connu l’amour que dans la séparation et il savourait la poésie des cloîtres, sachant bien que jamais son indépendance ne se plierait à une règle, sa maladive indépendance.

Ce fut pourtant la dernière évasion de Phi-