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DE PHILIPPE

Naguère, au fond de la bouteille, Philippe trouvait des rêves d’amour : maintenant, il y trouvait une religiosité, dont il ne laissait pas, écœurante, de se moquer, le lendemain. Il songeait à ses lèvres papelardes, ses paupières lourdes de dévotion, la sclérotique embuée de cafardise. C’était, du reste, assez agréable, mais priait-il avec sincérité ! Il y avait si peu de différences avec ces nuits qu’il passait dôpé, à écrire avec délices d’interminables épîtres en vers blancs à la pauvre Claire, à qui il pensait maintenant, parfois, avec un désir purifié et par conséquent avivé. Les mots se forçaient alors à cette sincérité particulière de celui qui se dédouble.

Philippe, sa décision prise, était gris à se faire remarquer, et déjà, il n’était plus décidé : pour Philippe dire oui redoublait toujours les objections qui l’amèneraient à un non plus définitif. Il gardait un souvenir tellement mauvais des retraites. Un jour que son adolescence avait voulu se faire pardonner des paroles trop imprudentes, il avait accepté d’aller faire une retraite, dont il gardait encore l’horreur : cette bonté onctueuse du directeur, ces méditations où le mélodrame de l’enfer se mêlait aux sucreries du ciel, cette insistance sur la volonté, dont ces ascètes ne connaissaient pas plus le mécanisme que les commis voyageurs éloquents de l’américanisme, ces repas trop lourds, voluptés permises, entre deux pensées sur « les fins der-