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DE PHILIPPE

fête patronale, voulez-vous que nous inscrivions parmi « les faveurs obtenues » ?

Qu’importe ! le récit de Théramène ne gâte pas les autres vers de Phèdre.

Philippe était un autre homme. Voilà que cette femme le dérangeait, comme un réveil brusque d’un rêve, et, au fait, lorsqu’il regardait cette femme, tout ce qui venait d’arriver s’abolissait comme un rêve :

— J’ai une course importante à faire, mais ensuite nous dînerons ensemble… Comme vous êtes mon malade, je vous invite à manger.

Philippe était trop bourgeois pour ne pas être humilié de se faire payer à dîner par une femme : ne reprenait-il pas sa vieille vie, et pourquoi ne serait-il pas souteneur platonique un instant ?

Il s’en fut encore à l’église, demandant hypocritement au Ciel de lui épargner la tentation, la chute : pour Philippe, il lui suffisait que le désir pointât, pour qu’il fût déjà réalisé, et, toute sa vie et en tout, avait-il jamais eu plus que des désirs ? Le reste n’était que de l’accessoire.

Le dîner fut morne. Philippe ne contait que ses souvenirs récents, et Justine Sauvé que ses souvenirs d’avant-hier. Les souvenirs de l’un ne s’accrochaient pas aux souvenirs de l’autre. Ils se quittèrent, et Philippe ne la désirait plus. Il sentait pourtant que son désir était comme en disponibilité, qu’il servirait