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LA FOLLE EXPÉRIENCE

ry : la beauté des vers lui parvenait comme la voix d’une pièce voisine. Il se demandait : « Pour moi, la beauté sera désincarnée désormais ! » Puis il essayait de se persuader que c’était là encore une de ses fantaisies, qu’avec le sommeil, cela disparaîtrait. Et il tentait de chercher, de trouver les raisons de ce revirement subit. Bien entendu, il avait toujours été attiré par la littérature mystique : « Mais ce n’est pas la même chose, pas plus que l’amour que décrivent les romans et le théâtre, Racine ou Proust, ne ressemble à ce que j’éprouvais pour Claire et pour les autres, la plus vivante littérature n’est jamais qu’abstraction, comme un ballon dont on coupe la corde. » Lorsqu’il lisait des mystiques, des écrivains religieux, Philippe avait sous la dent quelque chose de substantiel : il se voyait, maintenant qu’il croyait sans le vouloir, devant le vide le plus absolu qu’il ait connu. Dieu était, et, pour ainsi dire, il n’était rien, et Philippe, avec un sourire qui disparut bien vite, se souvint du vers de Bossuet :

Dieu est tout, mais rien de tout ce que je pense.

Philippe se rappelait les preuves de l’apologétique : il les estimait encore aussi stupides, et comme son évidence était d’autre sorte ! Eh bien ! s’il faut croire qu’il y a des preuves. je croirai ces preuves parce que je crois. » Et, dans un goût d’humilité, il était prêt à tout accepter d’un bloc.