Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
DE PHILIPPE

surtout d’avoir jadis donné à croire que lui aussi avait admiré le « grand homme ». Et il n’avait accepté les compliments sur son esprit et sa prose qu’avec mauvaise conscience.

Philippe s’épongeait le visage, pour enlever la pluie et cette honte qui collait sur lui, avec sa fausse réputation. Philippe biffait-il toujours pour arriver à cette sincérité qu’il avait cherchée jusqu’au plus profond de l’hypocrisie ? Philippe avait peut-être aussi été hypocrite pour atteindre encore plus de sincérité, cette sincérité qui, du moment qu’on la regarde, n’est plus la sincérité.

Philippe avait honte encore d’aller chez Pageau, parce que Pageau était un des nombreux créanciers qu’il avait trompés. Cette honte restait cependant secondaire, comme un reste de peur enfantine. À moins qu’elle ne fût si profonde, qu’elle ne se camouflât sous ces puérilités, qui tenaient presque à la peur du gendarme. Philippe, lorsque ces craintes le prenaient, se disait, pour se donner du cœur : « J’ai peur de mes créanciers », comme, lorsque, dans les rues vides, « j’ai peur des petits chiens qui jappent sur mes pas. »

Il passait devant une église. Il hésita d’abord, puis, brusquement, ce fut comme si un autre que lui y entrait. Philippe s’agenouilla. Il n’avait plus honte devant Dieu. Les yeux rivés sur le tabernacle, tous les muscles tendus, il s’efforçait de se donner à Dieu : « Mon Dieu,