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CLAIRE REPARAÎT

Philippe décidait d’aller voir Pageau. Décidé, comme toujours, il éprouva que cette décision était prise depuis longtemps, si bien qu’il lui semblait, tant le définitif l’arrachait à lui-même, que c’était un autre qui avait pris la décision. C’est que Philippe recommençait sa vie si souvent qu’il ne s’y retrouvait plus. Une de ses manies était son goût de ranger, de classer, pour biffer et déchirer presque aussitôt, non point tant d’écœurement que de paresse et d’impatience. En cela s’exerçait son instinct de destruction. Chaque jour, Philippe se détruisait, et lorsqu’il allait reconstruire, il était déjà fatigué. Une conversion subite au catholicisme, si elle avait changé sa vie n’avait rien changé à ses démarches : Philippe était obligé de se souvenir volontairement de Dieu.

Philippe avait trouvé chez un bouquiniste un livre qu’il ne connaissait pas, d’un auteur qu’il ignorait, un voyage au Canada d’un abbé inconnu : ce qu’il n’avait pas fait depuis longtemps, il avait acheté un livre. Il le revendrait à Pageau, amateur de vieilles choses, il le revendrait un prix fort. Cette entrée chez le libraire avait comme ouvert la porte sur un passé qu’il oubliait, qu’il racontait et répétait aux autres tel qu’un récit de lecture, et, tout de suite, était venue cette tentation de trafic