Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
DE PHILIPPE

compositions : toujours ce goût de s’humilier devant l’adversaire, et ce goût de l’adversaire ! Et Philippe, lorsqu’il faisait ses interminables promenades devant le lac, essayait de distinguer à l’horizon, sous le ciel indéfini de l’été, le clocher de la petite ville. Alors, souvent, il fondait de douceur et de mélancolie.

Les souvenirs affluaient, mais on approchait de l’hôpital, et, comme obéissant à un devoir, Philippe voulut déverser l’anticléricalisme que lui inspirait ce faux prêtre à genoux près de lui : tous les prêtres étaient pour Philippe des faux prêtres. S’il s’était analysé, cet incroyant aurait découvert que, s’il était anticlérical, c’est qu’il se faisait une idée trop parfaite du prêtre. Il voulait un prêtre pur, comme une littérature pure, sans les faux-fuyants d’une thèse. Philippe lançait, au hasard, en vrac, confusément, les phrases d’un article qu’il ne ferait jamais. Il avait cette habitude de penser ou de parler en s’adressant à des livres qu’il avait lus, en référant à des réflexions qu’il avait faites il ne savait quand :

— « Je suis venu chercher les brebis perdues », a dit le Christ, et l’on ne s’intéresse qu’aux moutons du troupeau, on se colle ensemble, on fait des petites fêtes, des tombolas et des séances et des parties de cartes ensemble, dévots et dévotes ne se laissent d’un pas dans la bergerie, ils se réchauffent, à leur propre chaleur surette, on fait de l’action en famille, et les autres on ne