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DE PHILIPPE

Philippe, il n’allait qu’à une campagne proche. De là-bas, Dufort lui écrivait de longues lettres, avec des « fions » et des paraphes, sans compter les descriptions qui sentaient à la fois Albalat, que Philippe lui avait fait lire, et les réclames de voyage dont il faisait collection. Il parlait de femmes, de baigneuses, de rencontres, d’excursions en mer, et c’était Philippe maintenant le paria, avec ses livres et les cahiers où il s’efforçait à des descriptions flaubertiennes. Dans ses promenades sous les grands arbres, dans la chaleur trouble des repas, cet adolescent comptait les jours qui lui restaient à passer. Non point qu’il eût hâte de revoir Dufort, mais il lui semblait qu’un jour de moins pour lui au bord de la mer, ce serait un jour de moins pour la supériorité que l’autre avait acquise.

Philippe ne se peignait plus, il mangeait avec son couteau, il s’évertuait à ces manières de rustre, comme pour montrer à l’absent qu’il était au-dessus de ce luxe.

Même, lisant les « Considérations sur la France » de Joseph de Maistre, c’est à ce moment qu’il devint royaliste, par haine inconsciente de la République et des États-Unis où s’était plu et enorgueilli cet être qui lui était inférieur. Ce pédant liait Old Orchard aux Cordeliers et aux Jacobins.

Il va de soi que sa haine était courte. Cela se terminait par des accès de voluptés, de péchés adolescents où Philippe ne retrouvait pas le