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LA FOLLE EXPÉRIENCE

parce qu’elle était isolée : c’était une manière de noblesse que d’habiter un cottage, comme on disait. Ce Gosselin l’avait invité chez lui un jour, pour « rendre ses politesses ». Ils avaient mangé dans la salle, et la mère, pour la circonstance, s’était plâtré les joues de rouge, d’une façon qui faisait presque pouffer Philippe. Plus tard, Gosselin était tombé malade, il était devenu invalide, et, comme celui-ci le grondait amicalement de ne pas prendre ses études au sérieux, il lui avait répondu :

— Tu vis bien aux dépens de ta mère.

Or ce pauvre garçon, qui avait peur de la mort, savait qu’il mourrait et Philippe avait appris plus tard, qu’il acceptait, qu’il s’offrait, et c’était assez pour que Philippe, dans cette chambre, se jugeât écœurant.

Il fit un tour dans le couloir, et la voix aigre de la patronne lui parvenait de deux minutes en deux minutes. C’était presque chronométré. Sans doute quelqu’un entrait dans la cuisine, refermait la porte, disait quelques mots et revenait ; Philippe l’observa peu à peu, la patronne avait voulu se faire un chez-elle dans cette maison de passants, et elle y avait comme une cellule, tantôt la salle à manger, le plus souvent la cuisine, toujours fermées aussitôt sur les gens qui y entraient, tel le cabinet d’un médecin. Cependant, comme sa voix criarde était aiguë, Philippe put tout de suite, entre deux visites qu’elle accueillait et congédiait,