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LA FOLLE EXPÉRIENCE

« En France, il a porté la robe quelque temps, et, laissant la foi, il a gardé le sourire de suffisance ecclésiastique…

(Dans ma revue, il faudra faire passer cette petite rosserie : me croyant converti, ils n’y verront que de l’ardeur espiègle…)

« Parce qu’il a quitté la petite église, il se vante d’être de la Grande, avec une onction qui rend sa moustache postiche. Chaque fois qu’il me parle de femme, j’ai l’impression qu’il retrousse sa soutane, et ses mollets sont obscènes. C’est pourquoi sans doute la lecture de saint Jean de la Croix lui a tourné la tête. Il se dit sans illusion : c’est la grosse réalité que j’ai vue à son bras qui lui cache toutes les autres. Il ne croit pas au diable, mais le docteur Duchesne est un possédé, possédé par la chair… »

Philippe s’arrêtait, souriant : il avait bien de l’esprit ! Et puis, d’une pierre, il faisait deux coups, il se moquait des propriétaires de sa revue pieuse (au fait, il pourrait vendre ça ailleurs aussi, avec le même effet : on est si vite scandalisé dans ce beau pays catholique…) et il engueulait le docteur Dufresne qui était bon pour lui…

Pourtant, Philippe n’était pas méchant, mais sa timidité n’avait trouvé pour briller que le biais de la méchanceté, et Pothier l’avait beaucoup aidé à s’enfoncer dans ce travers. Aussi bien la méchanceté, c’était maintenant sa spécialité, et sa seule source d’argent.