de monter, et il était déchu. Philippe fut toujours l’un de ces hommes, de ces écrivains qui ne montrent que des fragments. C’est un risque à prendre, un risque presque sûr, on joue à coup sûr, parce qu’il y a toujours de beaux fragments. Il y avait en Philippe de ces bouffons, comme il les appelait, que Dostoïevski ne s’est pas lassé à présenter. Quand on n’a pas de théâtre, le coin d’une rue fait l’office des tréteaux, Philippe s’y était installé et, dès longtemps, il y avait un public, et pas trop mauvais. Seulement le rôle coûtait cher, et à Philippe encore plus qu’à un autre, parce que sa vanité bourgeoise n’avait su encore guérir le cuisant des blessures. Il y avait tellement de grossiers maladroits qui n’observaient pas les règles du jeu et qui traitaient Philippe en parasite, voire en vulgaire mendiant, lorsque lui ne joua jamais qu’un rôle, et, à la vieille mode, en interrompant constamment son jeu pour faire des remarques à la salle indiquant bien qu’il n’était pas dupe.
Lucien ne pouvait plus attendre. Il tendit la main à Philippe :
— Ne vends pas ta serviette aujourd’hui. Samedi, je te donnerai des sous, et je garderai ta serviette pour t’éviter les occasions…
— Je pourrais la vendre, j’ai rencontré Pierre tout à l’heure : il m’assure qu’il m’en aura une demain ou après-demain…
Philippe ne pouvait s’empêcher d’y faire