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DE PHILIPPE

— Ai-je le temps de te dire que j’ai rencontré Simonne ?

Philippe n’avait pas rencontré Simonne, mais il était sûr de retenir un peu Lucien en prononçant le nom de Simonne. Ce nom était venu par hasard à la bouche de Philippe. Depuis combien de mois avait-il pensé à Simonne ? Pour se mettre dans l’état poétique, d’une banale poésie, et sentimental, de la plus fade des sentimentalités, qui était le leur lorsqu’ils parlaient de Simonne, Philippe regrettait de n’avoir pas une gorgée de dôpe, et rêver béatement quelques instants. Ç’avait été une comédie tellement agréable ! Elle avait duré des mois, avec des retouches quotidiennes. Pour lui, Philippe, si Lucien la rencontrait de temps en temps, il avait vu Simonne deux fois et ne lui avait parlé, trois mots, qu’à une seule occasion. Elle avait été pourtant son amour, un prétexte à dissertations psychologiques avec Lucien, une occasion de parler de lui, en disant comment il aimait, ce qu’il ressentait au sujet de Simonne. Les images étaient bien rares cependant, et là, dans la rue, il n’en voyait qu’une, lorsqu’un jour, l’apercevant qui marchait, ses grands yeux bleus sous un grand chapeau (étaient-ce ses vers qu’il se rappelait ou le cliché de Simonne ?), quand il était descendu d’un tram, pour la suivre et la perdre dans la foule, S’il voulait s’efforcer, il entendait aussi sa voix,