Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puzzle villageois, et ce n’étaient des pièces détachées que si on les détachait.

La petite vieille Baudet, pour pittoresque qu’elle fût, était une dame. Son langage détonait, sa phrase était proprette autant que l’était peu sa personne menue. Elle n’oubliait jamais une négation, et lorsqu’elle vous présentait sa main sale, elle avait grand air.

Trois fois par semaine, chez le boucher, on l’entendait :

— Pour dix sous seulement, monsieur Paquin, je n’en veux que pour dix sous.

— Monsieur Gustave, qu’est-ce qu’il va manger ?

— Mon neveu, monsieur Paquin, est au régime végétarien, ne vous l’ai-je pas dit ?

Ce neveu, Gustave, l’attendait à la porte. Elle lui remettait le petit paquet, et ils retournaient à la maison, en passant par l’église. Mademoiselle Baudet y touchait l’harmonium, et, deux fois par jour, elle allait vérifier les touches, faisait cinq minutes de gammes, comme pour s’assurer qu’on n’avait pas volé l’instrument : mademoiselle Baudet était la plus craintive des femmes, et, ne parlant pourtant jamais d’argent, elle avait demandé