Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

classe, il tirait d’un sac de cuir toutes sortes de petits paquets. Impressionné, je fis tant par mes intrigues et mes bonnes notes auprès des sœurs que j’obtins d’apporter mon dîner, moi aussi, et de m’installer avec Jules Langlais.

Ce fut un autre supplice qui commença. Pour tout dire, j’avais honte de mon dîner. Mes sandwiches auprès des tranches de mon camarade me paraissaient de forme commune et rustique. Et, lorsque j’avais une orange, il avait des fraises, quand ce n’était pas la saison. Je me disais : « Quand je serai grand, je mangerai comme Jules des fraises à chaque repas ».

Jamais il ne m’offrait de ses provisions. Ce n’est pas que je songeasse à le lui reprocher : avec son col, et ses bas écossais, il était d’une autre race.

Je passai de l’Asile au collège en même temps que Jules Langlais. J’essayais de me lier avec d’autres, et je revenais toujours à Jules. Il me fascinait. Un jour — nous étions en méthode — le Père avait été appelé au parloir, et il nous avait laissé seuls tout un quart d’heure. Langlais en profita pour se glisser dans le cabinet de physique et revenir avec le squelette. Il prétendit, au grand scandale de la classe, danser,