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LES CORRECTEURS EN PROVINCE
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supposer : la plupart des volumes imprimés en latin, un très grand nombre d’ouvrages écrits en français comportent des expressions, différentes il est vrai, mais qui toutes ont le même but : persuader le lecteur qu’un soin scrupuleux a été apporté à la correction ; vanter, en même temps que les capacités et le désintéressement des libraires ou des imprimeurs, le mérite et les connaissances littéraires ou scientifiques remarquables des correcteurs qui, en fait, sont recrutés parmi les hommes les plus éminents de la Renaissance.

Suivant Claudin, Pierre Hongre, qui soit seul, soit en association avec Mathieu Husz et Antoine Doulcet ou Doulzet, exerça à Lyon à plusieurs reprises, commença à imprimer dans cette ville en 1482.

En 1498, Pierre Hongre publiait un petit Bréviaire lyonnais, Liber valde requisitus ad ministrandum sacramenta… Dans l’achevé d’imprimer, notre maître ès art typographique insiste sur le soin qui a été apporté à la correction de ce livre et fait l’éloge du correcteur et aussi, bien entendu, celui de… l’imprimeur : « Si jamais des livres qui ont été produits par l’art de l’imprimerie ont eu besoin de correction, celui-ci en est un, comme il est facile de s’en apercevoir en comparant les exemplaires imprimés auparavant du Bréviaire à l’usage de Lyon. Il est étonnant qu’on ait pu supporter jusqu’ici des livres aussi incorrects et corrompus. Maintenant ils ont été corrigés avec un soin rigoureux par vénérable homme maître Jean de Gradibus, licencié en chacun droit, et ont été imprimés par honorable homme maître Pierre le Hongrois, très habile dans l’art d’impression. »

La réputation de Jean Gradi, ou plutôt Jean de Gradibus, égale presque celle du fameux Pic de la Mirandole. Ce professeur en droit civil et canonique (utriusque juris professor) florissait de la fin du xve siècle au commencement du xvie. Quelques écrivains le font naître ou, plutôt, enseigner tout d’abord à Milan. Mais Prosper Marchand, auteur d’une Histoire de l’origine et des premiers progrès de l’Imprimerie, pense qu’il était français. Nous ne connaissons de manière précise aucun détail de son existence ; il semble qu’à l’époque où il vécut Jean de Gradibus possédait une notoriété telle que ses contemporains considérèrent comme inutile de transmettre à la postérité le moindre renseignement à son sujet. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il habita Lyon : à cette époque, cette ville offrait d’innombrables