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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

grecs, les livres de médecine, les sciences mathématiques et algébriques, maintes Bibles savantes ou populaires, les missels constituent les principales productions qui portent au loin la renommée de « la ville située entre Saône et Rhône ». Mais ce qui peut-être contribua non moins à établir le renom typographique dont Lyon devait jouir à cette époque est un fait d’ordre tout particulier : « On y imprimait en pleine liberté, loin de la férule de l’Université et de la censure de la Sorbonne, toute notre littérature populaire, des histoires de chevalerie, des pièces de poésie, des facéties, des gauloiseries et des joyeusetés… » Lyon fut aussi, il est utile de le dire, un centre, non loin de Genève, où la doctrine de Luther et de Calvin trouva dès ses débuts un terrain d’élection, sur lequel devait germer rapidement, pour la Réforme, une importante floraison de protagonistes, d’adeptes et de défenseurs dévoués.

Cet ensemble de circonstances ne pouvait certes qu’être un stimulant de plus pour les typographes lyonnais, et, de fait, nous voyons les libraires et les imprimeurs rivaliser de zèle, d’instruction et d’initiative : ils ne craignent pas d’engager des capitaux importants dans des œuvres de longue haleine ; ils s’adressent pour l’illustration de leurs livres à des maîtres renommés tels que Holbein ; après maints avatars dont nous donnerons ultérieurement un court aperçu[1], ils prennent la résolution de ne livrer au public que des éditions correctes, et à cet effet ils s’entourent de lettrés remarquables, de savants de premier ordre qu’ils rémunèrent largement ; ils vantent à l’envi la pureté littéraire de leurs œuvres : tel volume sorti en 1512 des presses de Simon Bevilaque porte cette mention[2] : maxima cum diligentia opus hoc castigavit ; tel autre, paru en 1516, cette appréciation : secundum veram orthographiam scribitur ; sur le titre d’un missel édité en 1530, par le libraire Michel Despreaux[3], est écrit : quod ab omnibus retro impressoribus evasit incastigatum : maxima lucubratione emendatum atque ornatum ; sur celui-ci, mis au jour en la même année, on lit : in quo ultra castigatissimam diligentissimamque emendationem… comperiet lector.

Ces exemples ne sont point exceptionnels, comme on pourrait le

  1. Voir pages 61, 442 et 456.
  2. Bibliographie lyonnaise, 2e série, p. 12. — Bevilaque s’établit libraire à Lyon en 1515.
  3. Libraire à Lyon de 1492 (?) à 1553 (?) (Bibliographie lyonnaise, 2e série, p. 40).