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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

veuve Guyonne Viart épousa, en secondes noces, Henri Estienne (1470-1520), qui prit la direction de l’imprimerie dont il faisait peut-être déjà partie et qui fut le fondateur de la dynastie des Estienne. Parmi les œuvres éditées par Estienne on cite en première ligne Cosmographia Pii papæ, qui parut en 1509, et la première édition de l’Itinéraire d’Antonin imprimée en 1512.

L’un des correcteurs de Henri Estienne — le plus remarquable sans doute — fut Geoffroy Tory de Bourges (1485-1533). Après un séjour de quelques années en Italie, Geoffroy Tory professa la littérature et la philosophie dans divers collèges de Paris. En 1509, alors qu’il était régent au collège du Plessis, il entre chez Henri Estienne où, jusqu’en 1512, date de son retour en Italie, il corrige les épreuves de maints ouvrages et annote plusieurs éditions d’auteurs latins. S’étant fait recevoir au nombre des membres de la Confrérie des Libraires-Imprimeurs, Tory s’établit libraire à Paris, en 1518, à l’enseigne du Pot Cassé et, quelques mois plus tard, fonde une imprimerie. Tory fut l’un des imprimeurs les plus remarquables du xvie siècle. Sans vouloir faire de lui un rénovateur de la typographie, on peut dire qu’il fut presque l’égal de Robert Estienne qu’il dépasse parfois. Tory a fixé les règles de l’orthographe ; on lui doit une ponctuation plus correcte avec l’emploi de l’apostrophe, de la virgule et de la cédille. « Dans un ouvrage resté célèbre, qu’il appelle Champ-Fleury et qu’il publia en 1529[1], Tory traite, comme dessinateur et comme graveur, de la vraie proportion des lettres. Sous l’impulsion nouvelle de notre imprimeur-libraire — qui reprenait sur ce point les idées de son devancier Josse Bade[2], un érudit devenu aussi correcteur, puis libraire-imprimeur — les types gothiques furent délaissés et remplacés par des caractères romains d’une disposition nouvelle, empruntée aux monuments de l’antiquité que Tory, qui revenait d’Italie[3], avait visités et étudiés sur place et qui avaient fait germer chez lui des idées nouvelles[4]. »

  1. Le privilège du Roi est daté de 1526, mais l’achevé d’imprimer est du 28 avril 1529 : imprimé par « nostre cher et bien amé maistre Geofroy Tory de Bourges, libraire demourant à Paris », le livre était « à vendre à Paris sus Petit Pont à Lenseigne du Pot Cassé ».
  2. Voir, sur Josse Bade, page 56.
  3. En 1516-1517.
  4. Voir note I, p. 435-436.