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L’IMPRIMERIE
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Paris vers 1465, pour y vendre ses livres — et peut-être avec le secret désir d’y créer un atelier — Fust eut la douleur de voir ses marchandises saisies ; devant le soulèvement et la colère de la corporation des copistes, il fut obligé de retourner précipitamment en Allemagne[1]. Quelques années devaient s’écouler encore avant l’établissement définitif, en France, du procédé nouveau de production des livres à l’aide de caractères de métal.


II. — L’Imprimerie de la Sorbonne.


En 1470, Jean de La Pierre[2], un Allemand du nom de Jean Heynlin, originaire de Stein[3] (au diocèse de Spire), était prieur de la Sorbonne. Ancien recteur de l’Université de Paris, La Pierre avait déjà, en 1467, rempli à la Sorbonne ces mêmes fonctions de prieur. C’était un des meilleurs esprits du xve siècle, ouvert à toutes les initiatives, fort curieux de toutes les découvertes et très amoureux du progrès. Il avait pu se procurer quelques-unes des productions de Gutenberg

  1. Un autre disciple de Gutenberg, venu lui aussi d’Allemagne, devait, quelque dix années plus tard, subir les conséquences d’une aventure dont, heureusement pour ses commettants, les résultats furent tout différents : En 1474-1475 décédait, à Paris, « un nommé Herman de Stathoen, natif du diocèze de Munster en Allemagne », auquel « Conrart Hanequis et Pierre Scheffre, marchands bourgeois de la cité de Mayence en Allemagne », avaient « baillé et envoyé certaine quantité de livres pour iceulx vendre là où il trouverait », au profit desdits bailleurs. En vertu du droit d’aubaine, tous les biens d’Herman de Stathoen, étranger « sans lettre de naturalité et habitation », furent saisis et vendus au profit du roi. Pierre Scheffre et Conrart Hanequis, après avoir « exposé qu’ils ont occupé grant partie de leur temps à l’industrie, art et usage de l’impression d’écriture », remontrèrent et donnèrent les preuves que « les dicts livres combien qu’ils fussent en la possession dudict Stathoen à l’heure de sondict trespas, toutesfois ils ne luy apartenoient point, mais veritablement appartenoient et apartiennent auxdits exposans ». Louis XI, « ayant consideration de la peine et labeur que lesdits exposans ont prins pour ledit art et industrie de l’impression », consentit, sur les sollicitations de « ses tres-chers et tres-amés cousins et alliés » le roi des Romains et l’archevêque de Mayence, à « faire restituer ausdits Conrart Hancquis et Pierre Scheffre ladite somme de deux mille quatre cens vingt-cinq écus d’or et trois sols tournois » pour la valeur des livres saisis. (Lettres données à Paris, le 21 avril 1475. — Isambert, Recueil général des anciennes Lois françaises, 5e livr., p. 710.)
  2. Quelques auteurs écrivent Jean La Pierre ; nous préférons Jean de La Pierre, traduction littérale du latin Joannes Lapidarius ou de Lapide.
  3. Stein (dans le grand-duché de Bade), en latin Lapis, d’où le surnom du prieur : Magister Johannes Heynlin de Lapide.