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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

organisé sur le modèle du scriptorium conventuel et de l’officina romaine, se rencontraient le lecteur, le scribe ou calligraphe, le correcteur, puis l’enlumineur.

À l’exemple des autres corporations, les maîtres libraires et les copistes formaient une confrérie, placée sous la protection de saint Jean devant la Porte latine (comme nous l’apprennent les lettres patentes du 1er  juin 1401). Une charte de juin 1467 fit à tous les artisans du livre une obligation d’adhérer à la confrérie, en ordonnant « que aulcun maistre ne ait ou tiengne varlet guignant argent qu’il ne soit de ladicte confrairie et paye… audict maistre » le denier de cotisation mensuelle[1] obligatoire.

D’après Louis Radiguer[2], « cette réunion dans le même groupement des maîtres et des ouvriers, en permettant aux uns et aux autres de faire entendre leurs plaintes et de les discuter, maintint dans la profession une harmonie que rien ne troubla, du moins en apparence ».

Ainsi, sur un sujet tout au moins, l’Université et le Pouvoir royal eurent satisfaction d’une législation étroite et formaliste. Il n’en fut pas de même pour un autre point auquel cependant l’Université attachait une bien plus grande importance.

Si le copiste religieux se soumit volontiers ou, au moins, accepta tacitement de se soumettre à certaines des prescriptions à observer avant la mise en vente des manuscrits, le scribe laïque ne prit aucun souci de suivre cet exemple. Ce dernier, aux prises avec les nécessités de l’existence, subit les exigences de la clientèle : pour vivre, il faut produire ; et, pour produire, il est nécessaire d’aller vite ; les copistes, d’ailleurs, sont incapables de satisfaire aux demandes sans cesse plus nombreuses d’une clientèle toujours accrue ; bientôt les règlements de l’Université et de la Corporation seront impuissants à remédier à une situation qui s’aggravera de jour en jour.

Depuis longtemps déjà les manuscrits à l’usage des écoliers, manuscrits dont la vente est assurée et qui, par suite, doivent être produits en grande quantité et à meilleur compte, sont faits sans grands soins ; souvent ils fourmillent de fautes et d’erreurs ; parfois même ils sont à

  1. D’après Louis Radiguer. — Paul Mellottée (Histoire économique de l’Imprimerie : t. I, l’Imprimerie sous l’ancien Régime, p. 147 et 156) dit : « un denier par semaine »
  2. Louis Radiguer, Maîtres imprimeurs et Ouvriers typographes, p. xii et xiii.