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LES MANUSCRITS
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taire possédait un dernier droit de censure. Des corrections étaient fréquemment exigées, et, parfois même, cet ultime examen entraînait l’emprisonnement de l’auteur dont le livre était porté au bûcher. »

Au cours des temps, la sévérité de ces premières dispositions fut accentuée ; et le règlement du 26 septembre 1323 institua un comité composé de quatre membres, choisis, par l’Université, au nombre des principaux libraires, et chargé de veiller à l’application stricte et rigoureuse des statuts. Le règlement du 6 octobre 1342 et les lettres patentes données par Charles VI le 20 juin 1411 reproduisirent la plupart des prescriptions antérieures.

En échange des obligations qui leur étaient ainsi imposées, libraires et écrivains, à l’exemple des maîtres et des écoliers, jouissaient des privilèges, des franchises et des immunités concédés aux membres de l’Université : les lettres patentes du roi Charles V, du 5 novembre 1368, les veulent exempts « de faire guet et garde de nostre dicte ville, de jour et de nuict » ; celles de Charles VIII, d’avril 1487, les déclarent « perpétuellement et à tousjours eulx et leurs successeurs francz, quictes et exemptz de toutes tailles, impositions de tous biens et fruicts de leur creu… ».

On comprend combien, grâce à ces faveurs[1], la situation de libraire était recherchée et enviée ; mais volontairement les libraires eux-mêmes limitèrent le recrutement des membres de leur corporation. L’Université, d’ailleurs, encourageait cette attitude. En 1275, la protection de l’Université s’étendait « à tous ceux qui concouraient à la production du livre » ; cette protection se restreignit dans la suite à certains privilégiés dont les statuts de l’Université ou les lettres patentes des rois fixèrent le nombre. En 1292, on comptait 24 écrivains et 8 libraires ; en 1342, 28 libraires ; en 1368, 14 libraires, 11 écrivains et 15 enlumineurs ; en 1488, 24 libraires, 2 enlumineurs, 2 écrivains. La masse des simples copistes resta dans l’ombre et forma une classe de salariés sans autres droits et sans autres prérogatives que ceux des artisans des autres métiers. Quelques-uns, en petite quantité, travaillaient, isolés, pour leur profit personnel. Le plus grand nombre écrivaient pour le compte et sous l’autorité des maîtres. Dans l’atelier

  1. Certaines de ces faveurs étaient plus escomptées que réelles ; en fait, nombre d’impositions accablaient les libraires comme maints autres taillables.