Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES MANUSCRITS
25

des religieux ou groupée autour du scriptorium conventuel dont elle dépendait au moins théoriquement.

III. Mais tous les travaux des copistes ne devaient point continuer à posséder cette égale valeur et non plus rester aussi parfaits à tous égards.

Après les terreurs de l’an 1000 un renouveau a surgi dans le monde : les mœurs farouches et guerrières de la féodalité se sont légèrement adoucies ; des Lieux saints les croisés ont rapporté le goût des voyages, du luxe et des sciences : c’est le temps des jongleurs, des ménestrels, des cours d’amour et des tournois. Entre chaque combat, après chaque randonnée, nobles et chevaliers écoutent volontiers les exploits de Roland, de Charlemagne ou des Chevaliers de la Table Ronde ; entre chaque siège de leur cité, bourgeois et manants s’amusent des sotties, des fabliaux et des mystères. Déjà le peuple frondeur chansonne les rois et les grands, et les clercs l’instruisent à leur façon. Peu à peu la science émerge des cloîtres et des monastères où la Barbarie l’avait comme enfermée. La création de l’Université allait favoriser ce mouvement dont devaient profiter calligraphes, enlumineurs et miniaturistes laïques.

« Malgré les encouragements donnés par les rois depuis Charlemagne pour développer le goût des lettres et des manuscrits, il faut en effet attendre jusqu’au xiiie siècle pour rencontrer le métier de copiste fonctionnant en dehors des communautés religieuses. » En l’an 1200, le pape Innocent III avait formé, sous le nom d’Université, la « corporation des maîtres qui enseignent et des élèves qui étudient à Paris ». Tout aussitôt cette nouvelle institution, le centre, l’inspiratrice du mouvement littéraire et scientifique, en était devenue, aux termes de ses lettres de fondation, la gardienne vigilante et le chef incontesté. En 1275, comprenant combien le développement de la profession de copiste était nécessaire à la propagation des sciences et favorable aux études de toutes sortes, l’Université avait élevé à la dignité de membres de son organisation les artisans du livre, depuis le copiste et le libraire jusqu’au parcheminier et au relieur ; puis, elle avait groupé, en les sécularisant, les nombreux scribes chargés de pourvoir aux besoins tant des maîtres que des étudiants, et leur avait donné une organisation.