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LES MANUSCRITS
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inviolables — mais non point inviolés ! — vinrent se réfugier, compagnes infortunées, la foi, les lettres et les sciences. Et c’est à cette époque que, pour la première fois peut-être en notre pays, nous trouvons dans l’histoire de l’art calligraphique la mention de religieuses copistes : aux dernières années du ve siècle, saint Césaire (470-542), évêque d’Arles, établit un couvent de femmes et leur prescrit de s’occuper, à des heures déterminées, à la transcription des livres saints.

Derrière les hautes et épaisses murailles qui les protègent contre les violences et les séparent du monde, moines et religieux continuent le travail des librarii païens et assurent la conservation des chefs-d’œuvre transmis par les âges précédents. Durant toute la période romane, une certaine activité littéraire se conserva ainsi pour le plus grand bien des siècles à venir.

Dans le scriptorium conventuel, la confection des manuscrits est entourée de soins attentifs. Ceux qui assument la lourde tâche de conduire le travail à bonne fin n’ont qu’un souci : faire œuvre bonne et correcte.

Dans chaque monastère, une salle particulière est réservée aux copistes : c’est le scriptorium, où seuls ont le droit de pénétrer l’abbé, le prieur et les religieux calligraphes. Le scriptorium est non seulement un de ces locaux conventuels où le silence est de rigueur, bien plus c’est un sanctuaire dont Du Cange, en son Glossaire, rapporte la formule de bénédiction : « Daignez, Seigneur, bénir le scriptorium de vos serviteurs et ceux qui habitent en ce lieu, afin que les passages des divines Écritures qui seront par eux lus et transcrits soient bien compris et d’un travail achevé. »

Parmi les écrivains une sorte de hiérarchie s’est établie : le copiste ordinaire s’adonne à l’écriture courante et à la transcription des ouvrages classiques ; au bout d’un certain temps, s’il se distingue autant par son savoir et ses aptitudes que par son habileté de main, il subit un examen devant le corps professoral et devient maître calligraphie. Il copie alors les manuscrits de luxe, dessine les lettres ornées, trace les rubriques ou titres et enseigne avec un dévouement paternel aux jeunes disciples l’art de la miniature :

Instruat in studiis juvenum bona tempora doctor[1]
  1. Alcuini opera, carmen XLVI.