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bondit, elle s’élança à la porte du salon, l’entr’ouvrit doucement, et regarda par l’ouverture. Fanny recevait un visiteur : un homme grand, juste de la taille de Robert. Un instant elle crut que c’était lui et tressaillit de plaisir ; mais la voix demandant M. Helstone la tira de son erreur. C’était une voix irlandaise, non par conséquent celle de Moore, mais celle du vicaire Malone. Il fut introduit dans la salle à manger, où sans doute il aida promptement son recteur à vider sa bouteille.

C’était un fait à remarquer, qu’à Briarfield, Whinbury ou Nunnely, dans quelque maison qu’arrivât un vicaire au moment d’un repas, dîner ou thé, il était immédiatement suivi par un second, souvent par un troisième. Non qu’ils se fussent donné rendez-vous, mais ils étaient ordinairement tous en campagne en même temps ; et lorsque Donne, par exemple, allait voir Malone chez lui et ne le trouvait pas, il s’informait auprès de son hôtesse de la route qu’il avait prise, et partait à toute vitesse sur ses pas.

La même chose avait lieu pour Sweeting. Il arriva donc, cette après-midi-là, que les oreilles de Caroline furent trois fois torturées par le bruit de la sonnette et l’arrivée de convives peu désirés : car Donne suivit Malone, et Sweeting suivit Donne. Du vin fut monté de la cave (car, quoique le vieil Helstone réprimandât ses inférieurs dans la hiérarchie toutes les fois qu’il les trouvait à boire chez eux, à sa table il aimait à les régaler d’un verre de son meilleur vin) ; et, à travers les portes fermées, Caroline entendit leurs rires joyeux et le bruit discordant de leurs voix. Sa crainte était qu’ils ne demeurassent pour le thé ; car elle n’éprouvait aucun plaisir à le préparer pour ce singulier trio. Ces trois hommes étaient jeunes comme Moore, avaient reçu la même éducation que Moore ; et cependant, quelle différence pour Caroline ! La société des premiers lui apportait un tourment, celle de l’autre un plaisir.

Non-seulement elle était destinée à jouir de leur compagnie, mais la fortune lui amenait en ce moment quatre nouveaux convives de l’autre sexe, entassés dans un phaéton roulant assez pesamment sur la route de Whinbury : une vieille dame et trois de ses filles venaient lui rendre une visite d’amitié, comme c’était l’habitude dans le voisinage. La sonnette retentit donc pour la quatrième fois, et Fanny annonça au salon :

« Mistress Sykes et les trois misses Sykes. »