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M. Donne avec un air de satisfaction intime et un flegme quelque peu chagrin, la seule défense de sa dignité de convention ; M. Sweeting avec l’indifférence d’un homme léger et facile, qui ne croit pas avoir de dignité à maintenir.

Quand la raillerie de Malone devint trop offensive, ce qui arriva bientôt, ils se réunirent pour repousser l’attaque, lui demandant combien de jeunes garçons l’avaient accompagné le matin, le long de la route, avec les cris de : « Pierre l’Irlandais ! » (le nom de Malone) ; s’informant si c’était l’usage en Irlande que les ecclésiastiques portassent des pistolets chargés dans leurs poches et un shillelah dans leur main, en faisant leurs visites pastorales, etc.

Le moyen ne réussit pas. Malone, qui n’était rien moins que doux et flegmatique, était maintenant au comble de l’exaspération. Il vociférait et gesticulait. Donne et Sweeting riaient. De sa bruyante voix celtique, il les traita de Saxons ; ils ripostèrent en lui rappelant qu’il était l’enfant d’un pays conquis. Il menaça de rébellion au nom de son pays, et donna cours à sa haine amère contre la domination anglaise ; ils parlèrent de haillons, de mendicité, de peste. On ne s’entendait plus dans le petit parloir ; on eût dit qu’une lutte allait suivre. Il était étonnant que M. et mistress Gale ne prissent pas l’alarme et n’envoyassent pas chercher un constable pour rétablir la paix. Mais ils étaient accoutumés à de semblables démonstrations ; ils savaient que jamais les vicaires ne dînaient ou ne prenaient le thé ensemble sans un petit exercice de cette sorte, et ils étaient parfaitement tranquilles sur les conséquences ; ils savaient en outre que ces querelles cléricales étaient aussi inoffensives que bruyantes, et que, quels que fussent les termes dans lesquels les vicaires pourraient se quitter le soir, ils étaient sûrs de se retrouver les meilleurs amis du monde le lendemain matin.

Pendant que le digne couple était assis au coin du feu de la cuisine, écoutant le contact sonore et répété du poing de Malone sur la table du parloir, le bruit des verres et des flacons qui en résultait, le rire moqueur des alliés anglais et la déclamation bégayée de l’Irlandais, un bruit de pas se fit entendre, et le marteau de la porte extérieure retentit violemment.

M. Gale alla ouvrir.

« Qui avez-vous là-haut, dans le parloir ? demanda une voix ; voix remarquable, nasale et abrupte.