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elle commençait jusqu’à un certain point à prendre goût, au moins pour la société d’une certaine classe de gentlemen ; aucune chasse en ce triste temps de l’année, ce qui était pour elle un passe-temps : car, si elle n’en pouvait faire partie, elle avait le plaisir de voir partir son père et les gardes-chasse avec les chiens, et de causer avec eux à leur retour sur les différents oiseaux qu’ils avaient tués. Elle n’avait plus même la consolation qu’aurait pu lui procurer la compagnie du cocher, du groom, des chevaux, des chiens : car sa mère, qui avait, malgré le désavantage de la vie de campagne, disposé si avantageusement de sa fille aînée, l’orgueil de son cœur, avait commencé à tourner sérieusement son attention vers la plus jeune, et, véritablement alarmée de la grossièreté de ses manières et pensant qu’il était grand temps d’opérer une réforme, elle avait enfin usé de son autorité et lui avait interdit tout à fait les cours, les écuries, les chenils et la maison du cocher. On ne lui obéissait pas toujours ; mais, quelque indulgente qu’elle se fût montrée auparavant, sa volonté ne pouvait être méprisée avec impunité, comme celle d’une gouvernante. Après plusieurs scènes entre la mère et la fille, plusieurs violentes altercations qui me rendaient honteuse et dans lesquelles, plus d’une fois, le père fut appelé à confirmer, avec des jurements et des menaces, les prohibitions de la mère, car il commençait à s’apercevoir que « Tilly, quoi qu’elle eût fait un charmant garçon, n’était pas tout à fait ce qu’une jeune lady devait être, » Mathilde comprit enfin que le meilleur parti pour elle, était de s’éloigner des régions défendues, à moins qu’elle ne pût de temps à autre y faire une visite furtive à l’insu de sa vigilante mère.

Au milieu de tout cela, que l’on ne s’imagine pas que je pouvais échapper à mille réprimandes, à mille reproches, qui ne perdaient rien de leur aiguillon pour n’être pas ouvertement formulés, mais qui, pour cette même raison, n’en étaient que plus profondément blessants, car ils n’admettaient aucune défense. Souvent l’on me disait que je devais amuser miss Mathilde avec d’autres choses, et lui rappeler les préceptes et les défenses de sa mère. Je faisais de mon mieux, mais je ne pouvais l’amuser contre son gré, ni avec des choses qui n’étaient point de son goût ; et, quoique je fisse plus que de lui rappeler les ordres de sa mère, les douces remontrances que je pouvais faire demeuraient sans effet.

« Chère miss Grey ! c’est une étrange chose ! Je suppose que