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été occupée, pour causer, lire ou travailler avec elle, selon qu’elle le préférerait, et aussi, naturellement, pour lui conter les nouvelles de ce jour important, et obtenir peut-être d’elle, en retour, quelques informations sur le prochain départ de M. Weston. Mais elle me parut n’en rien savoir, et j’espérai, comme elle, que tout cela n’était qu’une fausse rumeur. Elle fut très-contente de me voir ; mais, par bonheur, ses affaires allaient si bien qu’elle pouvait presque se passer tout à fait de mes services. Elle s’intéressait profondément au mariage ; mais, pendant que je l’amusais avec les détails et les splendeurs de la fête, elle secoua plus d’une fois la tête en disant : « Puisse le bien en advenir ! » Elle semblait, comme moi, regarder cette union plutôt comme un sujet de tristesse que comme un sujet de réjouissance. Je restai longtemps à causer avec elle de cela et d’autre chose, mais personne ne vint.

Confesserai-je que je tournai plusieurs fois mes regards vers la porte, avec le désir plein d’espoir de la voir s’ouvrir et donner passage à M. Weston, ainsi que cela était arrivé auparavant ? qu’en revenant à travers les prairies et les champs, je m’arrêtai souvent pour regarder autour de moi et marchai plus lentement qu’il n’aurait fallu : car, quoique la soirée fût belle, elle n’était pas chaude ; qu’enfin, j’éprouvai un sentiment de vide et de désappointement en arrivant à la maison sans avoir rencontré ou aperçu personne que quelques pauvres laboureurs revenant de leur travail ?

Cependant, le dimanche approchait ; je pourrais le voir alors, car maintenant que miss Murray était partie, je pouvais reprendre mon coin dans le banc. Je le verrais, et sur son visage, dans sa parole, dans son attitude, je pourrais juger si le mariage de miss Murray l’avait beaucoup affecté. Heureusement, je ne vis pas l’ombre d’une différence ; il avait le même aspect que deux mois auparavant ; voix, physionomie, maintien, rien n’était changé : c’était le même regard vif, la même clarté dans sa parole, la même pureté de style, la même simplicité fervente dans tout ce qu’il disait et faisait, qui allait droit au cœur de ses auditeurs.

Je revins à pied avec miss Mathilde ; mais il ne nous accosta point. Mathilde était triste et ne savait où prendre de l’amusement ; elle avait grand besoin d’un compagnon : ses frères à l’école, sa sœur mariée et partie, elle trop jeune pour être admise dans la société, pour laquelle, à l’exemple de Rosalie,