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mes espérances n’étaient point entièrement nées de mes vœux et de mon imagination.

« J’ai intention de prendre M. Weston au lieu de M. Hatfield, dit ma compagne après un moment de silence, et en reprenant quelque chose de sa gaieté ordinaire. Le bal d’Ashby-Park a lieu mardi, vous savez ; et maman croit qu’il est très-probable que sir Thomas me fera sa demande. Ces choses-là se font souvent dans la salle de bal, où les hommes sont plus facilement captivés et les ladies plus enchanteresses. Mais si je dois être mariée si promptement, il me faut tirer le meilleur parti du temps qui me reste ; et j’ai décidé qu’Hatfield ne serait pas le seul homme qui mettrait son cœur à mes pieds et m’implorerait en vain d’accepter son indigne offrande.

— Si vous voulez faire de M. Weston une de vos victimes, dis-je avec une indifférence affectée, il vous faudra lui faire vous-même de telles ouvertures, qu’il ne vous sera pas facile de reculer quand il vous demandera de réaliser les espérances que vous aurez fait naître.

— Je ne suppose pas qu’il me demande jamais de l’épouser ; ce serait trop de présomption ! mais je veux lui faire sentir mon pouvoir. Et il l’a déjà senti, vraiment ; mais il faut qu’il le reconnaisse aussi ; et, quelque ridicules que soient ses espérances, il faudra qu’il les garde pour lui, et que je m’en amuse pendant quelque temps.

— Oh ! si quelque bienveillant esprit pouvait murmurer ces paroles à son oreille ! » m’écriai-je intérieurement.

J’étais trop indignée pour répondre à ses paroles, et il ne fut plus question de M. Weston ce jour-là. Mais le lendemain matin, aussitôt après le déjeuner, miss Murray vint dans la salle d’étude, où sa sœur était occupée à ses études, ou plutôt à ses leçons, car ce n’étaient point des études, et dit :

« Mathilde, je désire que vous veniez vous promener avec moi, vers onze heures.

— Oh ! je ne peux, Rosalie ; il faut que je donne des ordres touchant ma nouvelle bride et le drap de ma selle, et que je parle au preneur de rats à propos de ses chiens : miss Grey ira avec vous.

— Non, c’est vous que je veux, » dit Rosalie.

Et appelant sa sœur auprès de la fenêtre, elle lui chuchota quelques mots à l’oreille, après quoi Mathilde consentit à la suivre.