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quel l’orgueil luttait vainement avec le désespoir, il est parti, pressé, sans doute, d’arriver chez lui, afin de s’enfermer dans son cabinet et de pleurer, si toutefois il a pu retenir ses larmes jusque-là.

— Mais vous avez déjà violé votre promesse, dis-je, frappée vraiment d’horreur de sa perfidie.

— Oh ! c’est seulement à vous. Je sais que vous ne le répéterez pas.

— Certainement, je ne le répéterai pas ; mais vous dites que vous allez raconter cela à votre sœur ; elle le redira à vos frères quand ils arriveront, et à Brown immédiatement, si vous ne le lui dites pas vous-même ; et Brown le publiera ou le fera publier dans tous le pays.

— Non, vraiment, elle ne le publiera pas. Nous ne le lui dirons pas, à moins qu’elle ne nous promette le secret le plus absolu.

— Comment pouvez-vous espérer qu’elle tienne sa promesse mieux que sa maîtresse plus éclairée qu’elle ?

— Eh bien ! alors, nous ne le lui dirons pas, répondit miss Murray avec un peu d’impatience.

— Mais vous le direz à votre maman, sans doute, continuai-je ; et elle le redira à votre papa.

— Naturellement, je le dirai à maman, c’est la chose qui cause le plus de plaisir. Je puis maintenant lui prouver combien étaient vaines ses craintes à mon égard.

— Oh ! est-ce là ce qui vous réjouit ? Je ne vois pas qu’il y ait de quoi.

— Oui ; puis il y a autre chose, c’est que j’ai humilié M. Hatfield d’une si charmante façon ! et autre chose encore : vous devez bien m’accorder un peu de la vanité féminine ; je n’ai pas la prétention de manquer du plus essentiel attribut de notre sexe ; et si vous aviez vu l’ardeur avec laquelle le pauvre Hatfield me faisait sa brûlante déclaration, et sa douleur qu’aucun orgueil ne pouvait cacher, quand je lui ai exprimé mon refus, vous auriez accordé que j’avais quelque cause d’être flattée du pouvoir de mes attraits.

— Plus son désespoir est grand, je pense, moins vous avez de raison de vous réjouir.

— Oh ! quelle absurdité ! s’écria la jeune lady en s’agitant d’impatience. Ou vous ne pouvez pas me comprendre, ou vous ne le voulez pas. Si je n’avais pas confiance en votre magnani-