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chers et les écueils, Caroline, sous le prétexte de changer de scène, réussit à amener sa cousine dans sa chambre à coucher, et, une fois là, elle lui persuada que ce n’était pas la peine d’avoir à y revenir une seconde fois, et qu’elle ferait aussi bien de procéder à l’instant même à sa toilette ; puis, pendant que mademoiselle lui adressait une solennelle homélie sur le mépris qu’elle professait pour les vulgaires frivolités de la mode, Caroline lui enlevait prestement sa camisole, la revêtait d’une robe décente, arrangeait son col, ses cheveux, etc., et la rendait tout à fait présentable. Mais Hortense voulait elle-même donner la dernière touche, et cette dernière touche consistait en un fichu épais roulé autour du cou et en un grand tablier noir qui gâtaient tout. Pour rien au monde, mademoiselle ne se fût montrée sans le fichu et le volumineux tablier ; du premier elle faisait une question de décence : il n’était pas convenable de se montrer sans fichu ; le second, selon elle, dénotait une bonne ménagère. Elle avait de ses propres mains fait et présenté à Caroline un semblable équipement, et la seule querelle sérieuse qu’elles eussent eue, et qui eût laissé un peu d’aigreur chez Hortense, était venue du refus qu’avait fait Caroline d’accepter cet élégant cadeau et de s’en servir.

« Je porte une robe montante et un col, avait dit Caroline ; j’étoufferais si j’y ajoutais encore un fichu, et mon petit tablier fait aussi bien qu’un plus long. J’aime mieux ne rien changer. »

Cependant Hortense, à force de persévérance, fût bien certainement arrivée à son but, si M. Moore, entendant un jour la querelle sur ce sujet, n’eût décidé que le petit tablier de Caroline était suffisant, et que, dans son opinion, comme elle n’était encore qu’une enfant, elle pouvait d’autant mieux se dispenser du fichu, que ses boucles étaient très-longues et touchaient presque à ses épaules.

Contre l’opinion de Robert il n’y avait pas d’appel, et Hortense fut obligée de céder. Mais elle n’en désapprouvait pas moins vivement la piquante élégance du costume de Caroline et sa gracieuse désinvolture. Quelque chose de plus solide et de moins recherché lui eût semblé beaucoup plus convenable.

L’après-midi fut consacrée à la couture. Mademoiselle, comme la plupart des dames belges, était très-habile à l’aiguille. Elle ne regardait pas comme perdues les longues heures consacrées à la délicate broderie, au point de dentelle destructeur de la