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qu’elle n’y pouvait travailler que très-peu, de temps à autre, et qu’elle n’avançait que lentement, quoique le pauvre garçon en eût bien besoin. Je lui proposai d’y travailler un peu après que je lui aurais fait la lecture, car j’avais du temps à moi et ne voulais rentrer qu’à la nuit. Elle accepta avec reconnaissance, « Et cela me tiendra un peu compagnie, me dit-elle, car je me sens bien seule sans ma chatte. » Mais lorsque j’eus fini de lire et fait la moitié d’une couture avec le large dé de Nancy, adapté à mon doigt au moyen d’une bande de papier roulée, je fus dérangée par l’entrée de M. Weston avec la chatte dans ses bras. Je vis alors qu’il pouvait sourire, et même très-agréablement.

« Je viens de vous rendre un bon service, Nancy, » commença-t-il ; puis, m’apercevant, il me fit un léger salut. J’aurais été invisible pour Hatfield ou pour tout autre gentleman de la contrée. « J’ai sauvé votre chatte, continua-t-il, des mains ou plutôt du fusil du garde-chasse de M. Murray.

— Que Dieu vous bénisse, monsieur ! s’écria la reconnaissante vieille femme, prête à pleurer de joie en recevant sa chatte favorite.

— Ayez soin d’elle, dit-il, et ne la laissez pas aller du côté de la garenne aux lapins, car le garde-chasse a juré de lui tirer un coup de fusil s’il l’y retrouve encore. Il l’eût déjà fait aujourd’hui, si je n’étais arrivé à temps pour l’en empêcher. Je crois qu’il pleut, miss Grey, ajouta-t-il plus doucement, en voyant que j’avais mis de côté mon ouvrage et que je me préparais à partir. Que je ne vous dérange pas, je ne veux rester que deux minutes.

— Vous resterez tous deux jusqu’à ce que l’averse soit passée, dit Nancy en tisonnant le feu et en approchant une chaise ; eh ! il y a de la place pour tous.

— J’y verrai mieux ici, je vous remercie, Nancy, » répondis-je en emportant mon ouvrage vers la fenêtre, où elle eut la bonté de me laisser tranquille pendant qu’elle prenait une brosse pour enlever les poils que sa chatte avait laissés sur l’habit de M. Weston, qu’elle essuyait avec soin la pluie qui avait mouillé son chapeau, et qu’elle donnait à souper à la chatte ; parlant sans cesse, tantôt remerciant son ami le vicaire de ce qu’il avait fait, s’étonnant que la chatte eût trouvé le chemin de la garenne, tantôt se lamentant sur les conséquences probables d’une telle découverte. Il écoutait avec un sourire