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son visage. Sa façon de se vêtir annonçait un goût achevé. Ses habits, peu recherchés sous le rapport de la mode et du prix de l’étoffe, étaient toujours de la couleur qui s’adaptait le mieux à sa complexion, et de la coupe qui faisait le mieux ressortir les avantages de sa personne. La robe d’hiver qu’elle portait en ce moment était en mérinos, d’un brun tendre, comme celui de ses cheveux. Le petit collet reposait sur un ruban rose et était attaché par un nœud également rose. Elle ne portait aucun autre ornement.

Voilà pour le physique de Caroline Helstone : quant à son caractère et à son intelligence, ils parleront eux-mêmes en temps utile.

Sa parenté n’est pas longue à expliquer. Elle était l’enfant de parents séparés, peu de temps après sa naissance, par raison d’incompatibilité d’humeur. Sa mère était la demi-sœur du père de M. Moore ; ainsi, bien qu’il n’y eût aucun mélange de sang, elle était, dans un certain sens, la cousine de Robert, de Louis et d’Hortense. Son père, le frère de M. Helstone, était un de ces hommes dont on n’aime point à rappeler la mémoire, même lorsque la mort est venue régler leur compte ici-bas. Il avait rendu sa femme malheureuse. Les bruits trop vrais qui avaient couru sur lui avaient contribué à donner un air de probabilité à ceux que l’on avait fait circuler faussement contre son frère, qui ne lui ressemblait en rien sous le rapport des principes. Caroline n’avait jamais connu sa mère, à laquelle on l’avait enlevée depuis son enfance, et qu’elle n’avait jamais revue. Son père était mort jeune, et son oncle le recteur avait été depuis son seul gardien. On sait combien, par sa nature et par ses habitudes, M. Helstone était peu propre à élever une jeune fille. Aussi n’avait-il pas pris grand’peine à son éducation, et peut-être n’en eût-il pris aucune, si la jeune fille, se sentant négligée, n’avait de temps à autre réclamé un peu d’attention et les moyens d’acquérir l’instruction qui lui était indispensable. Cependant, elle avait le pénible sentiment d’être inférieure, par son éducation, aux jeunes filles de son âge et de sa condition, et elle avait accepté avec bonheur l’offre que lui avait faite sa cousine Hortense, peu après son arrivée à la fabrique de Hollow, de lui apprendre le français et de délicats travaux d’aiguille. Mlle Moore, pour sa part, était enchantée d’une tâche qui lui donnait de l’importance. Elle aimait à régner sur cette docile mais vive élève. Elle avait pris Caroline pour ce qu’elle