Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soudaine. Par le toit, à travers la vaste et béante déchirure de l’espace éthéré embrasé par les éclairs, il voit s’opérer une merveilleuse descente, terrible comme la chute des étoiles. Il a ce qu’il demandait : « Retire-toi, cesse de me regarder, je suis aveuglé. J’entends dans ce temple un son inexprimable ; plût au ciel que je ne l’entendisse point ! Une gloire dont je ne puis tolérer l’éclat terrible brûle entre les piliers. Dieux, arrachez-moi à ce supplice ! » s’écrie-t-il.

« Un pieux Argien entre, pour faire une offrande matinale, dès la froide aurore. Il y a eu du tonnerre dans la nuit ; la foudre est tombée sur le temple ; l’autel est réduit en poussière ; le pavé de marbre qui l’environnait est fendu et noirci. La statue de la fille de Saturne s’élève, chaste, grande, intacte : à ses pieds gisent des cendres pâles, il n’y a plus de prêtre : celui qui veillait ne reparaîtra plus.

. . . . . . . . . . . . . .

« Voici la voiture ! fermons le pupitre et gardons les clefs. Elle les cherchera demain matin : il faudra qu’elle vienne auprès de moi. Je l’entends :

« Monsieur Moore, avez-vous vu mes clefs ? » Ainsi dira-t-elle de sa voix claire, parlant avec répugnance et paraissant honteuse à l’idée que c’est la vingtième fois qu’elle me fait la même question. Je veux là retenir avec moi dans le doute et l’attente ; et, quand je lui restituerai ces objets, ce ne sera pas sans une mercuriale. Voici aussi le sac et la bourse, les gants, la plume, le cachet. Il faut qu’elle me les arrache lentement et séparément ; seulement par la confession, la pénitence, l’exhortation. Je ne peux jamais toucher sa main, ou une boucle de ses cheveux, ou un ruban de sa toilette ; mais je me ferai des privilèges : chaque trait de son visage, ses yeux brillants, ses lèvres, passeront pour mon plaisir par tous les changements qu’ils connaissent ; ils déploieront toutes les exquises variétés de regard et d’expression, pour me réjouir, me pénétrer, et peut-être m’enchaîner. Si je veux être son esclave, je ne veux pas perdre ma liberté pour rien. »

Il ferma le pupitre, mit tous les objets dans sa poche et se retira.