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gentleman qu’il est, a aussi invité le précepteur. Mais le précepteur eût plutôt engagé sa parole avec le fantôme du comte de Huntingdon de le rencontrer au milieu du cercle de ses joyeux compagnons, sous la voûte des plus épais, des plus noirs, des plus vieux chênes de la forêt de Nunnely. Il eût plutôt donné rendez-vous au fantôme d’une abbesse ou d’une pâle nonne, au milieu des humides et herbeuses reliques de leur sanctuaire en ruines, qui tombe en poussière au cœur de la forêt. Louis Moore désire avoir quelque chose auprès de lui ce soir ; mais ce n’est point le petit baronnet, ni sa bienfaisante mais sévère mère, ni ses sœurs patriciennes, ni une seule âme de la famille de Sympson.

La nuit n’est pas calme. L’équinoxe agite encore ses orages. Les pluies torrentielles du jour ont cessé : les nuages se séparent et disparaissent du ciel non pas, en laissant derrière eux une mer de saphir, mais chassés par une continuelle et bruyante tempête. La lune règne glorieuse, jouissant de la tempête comme si elle s’abandonnait avec amour à ses premières caresses. Nul Endymion n’épiera ce soir sa déesse : il n’y a pas de troupeaux sur les montagnes, et elle fait bien ce soir d’accueillir Éole.

Assis dans la salle d’étude, Moore entendait l’orage rugir autour du pavillon opposé et le long de la façade du manoir. Le côté où il se trouvait était abrité, mais il ne tenait ni au silence ni à l’abri.

« Tous les appartements sont vides, dit-il : cette cellule me donne mal au cœur. »

Il la quitta et s’en fut où les fenêtres, plus larges et plus dégagées que l’ouverture treillagée de branches de sa chambre, laissaient librement voir le bleu sombre du ciel de cette orageuse nuit d’automne. Il ne porta aucune lumière : il n’avait besoin ni de lampe ni de feu ; la clarté pleine de la lune, quoique obscurcie de temps à autre par les nuages, brillait sur le parquet et sur les murs.

Moore erre par tous les appartements : il semble poursuivre un fantôme de chambre en chambre. Il s’arrête dans le parloir aux boiseries de chêne ; celui-ci n’est pas humide et sans feu comme le salon ; le foyer est chaud et rouge ; on entend bruire les cendres dans ce brasier vif et clair ; près de la cheminée est une petite table à ouvrage sur laquelle est placée un pupitre ; une chaise est auprès.