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la famille, je pourrais croire que vous êtes folle. Votre excentricité et votre entêtement touchent aux limites de la folie.

— Peut-être, avant que j’aie fini, vous me les ferez franchir.

— Je n’attends rien de moins. Folle et indomptable fille, prenez garde ! Je vous défie de souiller notre nom par une mésalliance !

— Notre nom ! Est-ce que je m’appelle Sympson ?

— Dieu merci, non ! Mais tenez-vous sur vos gardes ! Je ne veux pas que l’on se joue de moi.

— Au nom de la loi et du sens commun, que feriez-vous ou que pourriez-vous faire, si ma volonté me dirigeait vers un choix que vous désapprouveriez ?

— Prenez garde ! prenez garde ! (Sa voix et sa main tremblaient également.)

— Eh quoi ? Quelle ombre de puissance avez-vous sur moi ? Pourquoi vous craindrais-je ?

— Prenez garde, madame !

— C’est ce que j’entends faire, monsieur Sympson, et scrupuleusement. Avant que de me marier je suis résolue à estimer, à admirer, à aimer.

— Et si cet amour tombait sur un mendiant ?

— Il ne tombera jamais sur un mendiant. La mendicité n’est pas estimable.

— Sur un clerc de bas étage, un acteur, un auteur de comédies, sur un…

— Courage, monsieur Sympson ! Sur qui ?

— Sur quelque misérable écrivassier ; quelque…

— Je n’ai aucun goût pour les écrivassiers ; mais j’en ai pour la littérature et les arts. Et, sous ce rapport, je me demande comment votre Fawthrop Wynne pourrait me convenir ! Il ne peut écrire une lettre sans faute d’orthographe, il ne lit qu’un journal de Sport. Il était le nigaud de l’école de Stilbro’ !…

— Quel langage pour une lady ! Grand Dieu ! où en viendra-t-elle ? s’écria M. Sympson en levant les yeux et les mains au ciel.

— Jamais je ne marcherai à l’autel de l’hymen avec Samuel Wynne.

— Où en veut-elle venir ? Pourquoi nos lois ne sont-elles pas plus sévères, et ne me donnent-elles pas le droit de la forcer d’entendre raison ?