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courir vous y chercher ; qui monte et descend après vous l’escalier comme un chien.

— Dont les traits me font frissonner parfois. Il me semble encore que votre père me regarde, mon enfant.

— Oh ! maman, je suis bien affligée que papa n’ait pas été bon : je voudrais tant qu’il l’eût été ! La méchanceté détruit et empoisonne les plus agréables choses ; elle tue l’amour. Si vous et moi nous nous croyions réciproquement méchantes, nous ne pourrions nous aimer, n’est-ce pas ?

— Et si nous ne pouvions avoir de confiance l’une en l’autre, Cary ?

— Combien nous serions alors malheureuses ! Maman, avant de vous connaître, j’avais l’appréhension que vous ne fussiez pas bonne, et que je ne pusse pas vous estimer : cette crainte affaiblissait mon désir de vous connaître ; et maintenant mon cœur est content, parce que je vous ai trouvée presque parfaite, aimable, jolie, remarquable. Votre seul défaut est d’être à l’ancienne mode, et je vous en guérirai. Maman, laissez là votre ouvrage : lisez-moi quelque chose. J’aime votre accent méridional ; il est si doux et si pur ! Mon oncle et M. Hall disent que vous êtes une belle lectrice. M. Hall dit qu’il n’a jamais entendu une lady lire avec une telle propriété d’expression et une semblable pureté d’accent.

— Je voudrais pouvoir lui renvoyer le compliment, Cary ; mais, vraiment, la première fois que j’entendis votre excellent ami lire et prêcher, j’eus peine à comprendre sa rude langue du Nord.

— Et moi, avez-vous pu me comprendre, maman ? vous a-t-il semblé que je parlais rudement ?

— Non ; je l’aurais presque voulu, cependant, comme j’aurais voulu vous voir l’air grossier et rustique. Votre père, Caroline, parlait naturellement bien, tout autrement que votre oncle : sa parole était correcte, aimable, douce. Vous avez hérité de cette qualité.

— Pauvre papa ! avec tant de brillantes qualités, pourquoi n’était-il pas bon ?

— Pourquoi ? c’est ce que je ne puis dire : c’est un profond mystère dont la clef est entre les mains de son créateur, et je l’y laisse.

— Maman, prenez votre tricot, et mettez de côté votre travail de couture. Je le déteste : il encombre vos genoux