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liorés jusqu’à la perfection. J’estime et j’approuve mon enfant autant que je l’aime.

— Ce que j’entends est-il vrai ? N’est-ce point un rêve ?

— Je voudrais qu’il fût aussi vrai que l’embonpoint et les couleurs vont revenir à vos joues.

— Ma propre mère ! Mais est-ce une personne pour laquelle je puisse avoir autant d’amour que j’en ai pour vous ? Elle n’était pas aimée généralement, autant du moins qu’on me l’a donné à entendre.

— On vous a dit cela ? Eh bien, votre mère vous dit en ce moment que, n’ayant pas le don de plaire aux gens en général, elle se soucie peu de leur approbation ; ses pensées et son affection sont concentrées sur son enfant. Son enfant va-t-elle l’accueillir ou la rejeter ?

— Mais si vous êtes ma mère, le monde est entièrement changé pour moi. Assurément, je puis vivre ; j’aimerais à recouvrer la santé.

— Vous la recouvrerez. Vous avez tiré la vie et la force de mon sein lorsque vous étiez une petite, une belle enfant, sur les yeux bleus de laquelle j’avais coutume de pleurer, craignant de voir dans votre beauté même le signe de qualités qui étaient entrées dans mon cœur comme un fer, et avaient percé mon âme comme une épée. Ma fille ! nous avons été longtemps séparées : je reviens maintenant pour vous chérir de nouveau. »

Elle l’éleva contre son sein, elle la pressa dans ses bras ; elle la berça doucement, comme on fait pour endormir un jeune enfant.

« Ma mère ! ma chère mère ! »

La fille se pressa contre la mère ; celle-ci la serra plus vivement encore dans ses bras ; elle la couvrit de baisers, en murmurant sur elle des paroles de tendresse.

Le silence régna dans la chambre pendant longtemps.

« Mon oncle sait-il ce que je viens d’apprendre ?

— Votre oncle le sait : je le lui ai dit lorsque je suis venue demeurer ici avec vous.

— M’avez-vous reconnue la première fois que vous m’avez rencontrée à Fieldhead ?

— Comment en eût-il été autrement ? M. et miss Helstone ayant été annoncés, j’étais préparée à voir mon enfant.

— C’est donc ce qui vous troubla ? je vous vis tout émue.

— Vous ne vîtes rien, Caroline : je puis maîtriser mes émo-